Après un dernier bond sur le quai et une volte-face, vous saluez mentalement ce bateau, muse de vos désirs et de vos pérégrinations. Coup d’oeil admiratif du tableau général avant les premiers pas qui vous éloignent de cette maîtresse exigeante. Et déjà vous vous demandez si les coupe-batteries sont sur OFF, si la pompe de cale est branchée en automatique, si les amarres sont protégées, si…
Le départ de la marina se fait dans un mélange doux-amer de chagrin et d’angoisse alors que tout a été vérifié deux fois. Laisser son bateau orphelin pour une semaine ou six mois est souvent frustrant mais il existe plusieurs moyens de s’assurer que votre navire reste en sécurité.
Examinons ensemble les quelques voies que nous avons testées au cours des dernières années.
Le gardien …
De mon expérience et quand c’est possible, il est toujours plus sûr de mettre son bateau à terre si la période d’absence est longue. A terre, il est moins facile d’accès, perché sur sa quille. L’osmose et l’électrolyse sont suspendues. Les terrains des chantiers sont généralement clôturés et surveillés jour et nuit. Le personnel veille aux anomalies. Le vol du bateau est impossible.
A l’eau, il est facile de monter dessus, de recevoir des bateaux peu recommandables à couple, d’abîmer des amarres ou des pare-battages, de risquer une voie d’eau (presse-étoupe, WC, passe-coque), de voler le navire, etc.
Plus le bateau est remisé loin c’est à dire dans un pays exotique, plus il est facile d’organiser son gardiennage.
En Argentine, Gustavo prenait soin de Caramel resté à l’eau dans une paisible marina fluviale du delta du Rio de la Plata. Il passait plusieurs fois par semaine pour aérer et surveiller les fonds, charger les batteries et donner un coup de brosse sur le pont de temps en temps. C’était facile puisqu’il était le marinero du bateau à moteur à côté de Caramel…
A St.Croix ou à Grenade alors que le bateau était à terre, c’est un contrat en bonne et due forme qui est signé avec le chantier pour les mêmes services.
Le chantier Peake à Trinidad dispose même d’un parc à bateaux de «haute sécurité». L’accès est interdit à tous y compris aux propriétaires. Grillages élevés couronnés de barbelés. La nuit une meute de chiens est lâchée alors que les gardiens du chantier dorment dans leur maison jouxtant le parc de haute sécurité. Cet endroit est plus cher, il faut bien nourrir les chiens… Au retour des clients, le bateau est sorti dans la partie normale du chantier afin de pouvoir exécuter les travaux d’entretien.
Vous apprenez très vite les possibilités de faire choyer votre voilier lorsque vous êtes absent pour un bon bout de temps. J’ai toujours privilégié la sécurité à d’autres considérations en laissant mon bateau seul.
En Europe, c’est parfois plus problématique. Les services de la capitainerie ne sont pas toujours fiables lorsque survient le coup de vent. Le risque de vol ou de squat dans le bateau est finalement plus important sur notre continent que sous les tropiques ou en Amérique du Sud. Mes camarades navigateurs aux USA ne se plaignent pas du vol.
Quelques précautions doivent être prise pour éviter des déboires :
Ne jamais rien laisser de tentant en apparence sur le pont. Il faut ôter tous les éléments amovibles (moteur H-B, matériel de sécurité, manivelles de winch, poulies, écoutes, gaffes, BBQ, etc.).
S’il s’agit d’un abandon de plusieurs mois, il est préférable de dégréer les voiles dont la surface exposée sera mangée par les UV.
La bôme doit être triangulée avec des bouts ou reposée sur un support en bois afin d’être immobile pour éviter l’usure du vît de mulet.
Je poussais également le vice à dégréer le gréement courant (drisses, écoutes et autres bouts) en passant des messagers. Un peu longuet mais cela préserve nettement la souplesse des textiles (toujours à cause des UV).
Eviter de laisser la girouette/anémomètre tourner en votre absence. Il est mieux de l’ôter. On en profite pour faire un rapide examen de l’état de la tête de mât.
Pas la peine de laisser tourner l’éolienne qui sera immobilisée par des bouts.
Les batteries une fois rechargées seront déconnectées (ôter les cosses) pour éviter toute circulation de courant non sollicitée. L’auto-décharge est très faible sur six mois pour des batteries plomb actuelles.
De ce fait, les panneaux solaires ne seront plus connectés et ne pourront pas «cycler» les batteries inutilement (voir 2ème copie écran en marge ci-dessous).
Si la région craint le gel, il faut hiverner son moteur et son groupe électrogène et purger le circuit d’eau de service (sans oublier la douchette arrière rontudjûûû). Si c’est bien inutile pour les tropiques, il peut geler en Méditerranée, en Argentine et dans les latitudes plus élevées.
Injecter du liquide de stockage dans son dessalinisateur (attention au gel).
Mettre des repères sur les filières aux endroits propices pour les sangles du Travelift qui va sortir le bateau de l’eau. Rentrer l’hélice du speedomètre. Il arrive régulièrement sous les tropiques qu’un gars du chantier plonge pour vérifier la position des sangles sous le bateau avant de le soulever. C’est évidemment une garantie de plus.
La liste n’est pas exhaustive et vous trouverez certainement d’autres bricoles à faire. A Trinidad, l’air est tellement humide qu’il est conseillé de louer un conditionnement d’air qui gardera l’intérieur plus sec. Dans le nord de l’Europe, il est préférable de faire fonctionner une petit déshumidificateur électrique ou au moins un chimique.
Les UV sont le grand ennemi des bateaux et des marins. Une bâche d’hivernage permet de protéger le pont de ces rayons et des saletés que les oiseaux larguent en vol… Toutefois c’est très lourd et encombrant (et cher). Rare sont les bateaux de voyage qui emportent ce genre de taud. Cependant certains chantiers proposent de construire un squelette en tubes de plastique (électrique) le tout recouvert de plastique thermo-rétractable. C’est impeccable.
Intégrez bien qu’il est plus difficile de remplacer du matériel détérioré sous les tropiques que de le commander en Europe chez votre ship préféré. Et ce ne sera pas le même prix.
La surveillance à distance
La technologie évoluant, nous avons maintenant des facilités pour CONTRÔLER à distance les paramètres importants du bateau, voire de l’inspecter visuellement.
Nous avons depuis trois ans une centrale Nauticoncept - module Nauticsafe. Il s’agit d’une «boite noire» caché dans un coffre à laquelle sont reliés plusieurs sondes. Le relevé des paramètres se fait à intervalles régulier 24/24. L’envoi des alertes par le module GSM est opérationnel dans le monde entier.
La version de base enregistre les valeurs instantanées des paramètres suivants :
Tension des batteries de service.
Tension de la batterie moteur.
Etat des coupe-batteries (ouvert/fermé).
Température ambiante.
Moteur ON ou OFF (> historique moteur ON).
Senseur d’eau dans la cale.
Senseur de choc (amarre détachée ou rompue/accostage violent).
Senseur de gîte (état du plan d’eau, chute du ber …).
Senseur de tangage (idem).
Position GPS (pour l’app IOS/Android).
Détermination d’une zone de geofencing (utile si évitage sur corps-mort).
Module de communication GSM quadri-bandes intégré.
Système d’alerte si un paramètre sort des seuils bas ou haut.
Bornes pour un relai à votre disposition.
Capteurs d’intrusion optionnels (détecteurs sans fils pour porte et volumétrique IR- piles 12 mois).
Paramètrage du module par l’app via Bluetooth.
Alimentation de l’ensemble en 12/24V
Consommation 20mA.
Dans l’application de votre téléphone/tablette :
Affichage de tous les paramètres.
Historique des paramètres (jour/semaine/mois/plage personnalisée).
Envoi d’un message en cas de dépassement d’un seuil nominal.
Activation/désactivation de l’alarme.
Affichage de la position en temps réel et de la trace de votre bateau sur une carte Google Earth (utile si vol).
Le professionnel en charge de la surveillance de votre bateau peut être en copie et réagir rapidement. L’app comprend également un volet entretien/intervention entre vous et le professionnel, mais il n’est pas obligatoire de l’utiliser.
Outre la surveillance à distance lors d’un remisage longue durée (surtout à l’eau), ce système peut être utile si vous prêtez votre bateau …
Le prix du module est de 650€. Le montage est assez simple et vous pourrez probablement le faire vous-même. Je paie 160€/an (2021) pour l’abonnement au service incluant toutes les communications du module GSM intégré et les notifications. Je trouve le prix raisonnable pour une surveillance des paramètres importants du bateau et son suivi discret en cas de vol.
Il fonctionne bien à part un seul reset que j’ai du faire (débrancher/rebrancher l’alimentation). Je consulte la température et la tension des batteries une fois par semaine. Vous pouvez en apprendre plus sur cette page de leur site.
Si vous voulez VOIR ce qui se passe dans votre bateau, Advanced Tracking propose un kit séduisant (que je n’ai pas).
Il s’agit d’un pack Routeur WiFi/4G + caméra basse luminosité sur pile avec détection de présence et LED IR + carte SIM mondiale (valable pour 10 Go en Europe - 6,5 Go USA - 2,7 Go Monde). Possibilité de brancher 3 caméras supplémentaires.
Les caméras sont données pour 4 mois d’autonomie avec une utilisation de 3 minutes/jour. Le routeur est alimenté par la batterie du bord en 12V. Il utilise soit le WiFi du port soit une connexion 4G suivant disponibilité. La visualisation se fait sur un smartphone/tablette mais la scène est également enregistrée localement sur une carte mémoire SD. Une notification est envoyée en cas de détection de présence par la caméra.
Bref, c’est un système de surveillance comparable à celui des maisons mais adapté au bateau. Le prix du kit tourne autour de 600€ franco. Il est évidemment possible de recharger la carte SIM lorsque son volume data est consommé.
Totalement différent du Nauticoncept mais complémentaire.
Assurances
Petit rappel : il ne faut pas suspendre son assurance RC/dégâts matériels lors de la mise à terre du bateau. L’intervention de l’assurance du conducteur du Travelift et celle du propriétaire du chantier à l’autre bout du monde comme en Europe risquent d’être défaillante et de vous faire perdre des années d’attente avant de toucher des indemnités.
Je vous invite à lire le chapitre sur les «Assurances» sur ce site.
Conclusion
Plus la période de remisage sera longue, plus vous devriez prendre des précautions afin de préserver votre bateau. Il est souvent moins onéreux de préserver que de remplacer.
La technologie de surveillance à distance apporte un lien en temps réel avec votre bateau, qu’il soit à l’autre bout du monde ou à 150 km de chez vous. Le budget dépensé pour ce matériel sera probablement gagné s’il vous alerte d’un pépin à bord.
Au revoir et à très bientôt…
Grande activité sur le chantier de Martin Billoch (San Fernando - Arg.)
Poli miroir avant de repartir !
Caramel avant d’être dégréé pour l’hiver en Argentine.
Tout le matériel amovible doit être rentré.
Le bateau reste à l’eau > les amarres sont fourrées.
Même à terre, trianguler la bôme (usure vît de mulet).
Sangles bien placées - Oeuvres vives en sécurité
Trinidad : en zone de sécurité, un petit climatiseur loué.
Protection UV mais aération
Une armada esseulée mais parée pour l’hiver.
Boitier Nauticsafe de Nauticoncept.
Synthèse des paramètres de notre bateau à l’arrêt.
Historique de la tension de servitude. Vous remarquerez l’effet des panneaux solaires…