Voilà, vous êtes dans votre radeau de survie et vous venez de couper le cordon ombilical qui vous reliait encore à votre cher voilier. Vous le regarder sombrer tristement. De toute façon, vous êtes choqué et ce n'est plus le moment de se demander ce qu'il aurait bien fallu embarquer.
Vous avez tout fait pour essayer de garder le bateau à flot, il n'a pas résisté. Votre sécurité et celle de votre équipage va maintenant s'en remettre à votre capacité à affronter cette crise et à gérer un quotidien difficile avec ce que vous avez préparé depuis de longs mois déjà.
Nous avons essayé de penser à toutes les actions à prendre pour faciliter la survie. Ces actions se trouvent dans la "Bible de Caramel", un classeur rouge à disposition de tous dans le carré. Chaque équipier est prié de lire les procédures avant une traversée et de repérer le matériel dont il est fait référence. Nous en reparlerons dans un autre article : Procédures d'urgence.
Survie Sea-safe auto-redressable.
Survie Plastimo ISAF.
Survie Plastimo ISAF.
Nous apprécions depuis des années la marque Plastimo, modèle Transocéan. Principalement à cause des doubles boudins (double peau : chambre à air intérieure + peau extérieure résistante). Le modèle pour six personnes sans nourriture intégrée, pèse déjà plus de 38 kilos. Ceci nous semblait être un maximum à manipuler.
La marque chinoise SeaSafe (idem ForWater) est présente depuis quelques années sur le marché de la plaisance en Europe. Ce fabricant propose sa gamme professionnelle homologuée SOLAS dans la plupart des pays européens. La gamme plaisance est déclinée en radeaux classiques et radeau auto-redressable. Pour avoir fait des exercices de redressement de radeau retourné en piscine (eau calme…), je trouve que l’auto-redressement est un gros atout. Ce modèle me semble être le seul proposé à la plaisance. Attention toutefois à la dimension du container qui est un peu plus importante. Moins de 1.300€ (janvier 2020) pour ce radeau hauturier 6 places en container. L'équipement et la construction sont conformes à la norme ISO 9650 Type 1 Groupe A.
Importé en France par Nautic Service Sauvetage qui assure la révision. Les radeaux sont en vente dans la plupart des catalogues. En revanche, pas de communication claire sur le prix des révisions.
Plastimo et Sea-safe proposent une gamme de sacs étanches (Grab-bag) avec du matériel de survie complémentaire et légal (plusieurs modèles autour de 200€).
Je ne propose pas de lien vers un marchand, car le marché de la sécurité obligatoire (gilets, radeaux, fusées, perches IOR, ...) est très concurrentiel et les prix fluctuent gaiement. Les revendeurs ne gagnent pratiquement rien sur ces articles. Ce sont devenus des produits d'appel dans les catalogues et les promotions d’avant saison concédées par les fabricants sont souvent intégralement remises à l'acheteur qui profite de l'aubaine. Faites donc votre marché en ne perdant pas de vue que s'il s'agit de matériel peu utilisé, il est essentiel à votre survie et à celle de votre équipage ... qui est bien souvent votre propre famille.
Quelques informations pas toujours connues sur le radeau de sauvetage :
Ne gonfler le radeau que si l'on va embarquer dedans. Le gonfler trop tôt risque de le voir se détacher ou s'abîmer.
Ne pas le gonfler sur le voilier, il risque de s'endommager. Le jeter à l'eau sous le vent et le percuter.
Connaître la longueur du bout de son radeau (écrire sur le sac si ce n’est pas indiqué). Il n'y a pas de longueur standard. Arrivé en fin de course, il faudra tirer un coup sec pour percuter la bouteille. Ne pas imaginer que le témoin coloré de fin de bout est visible, surtout la nuit ...
Un radeau se gonfle lentement. Il est normal d'entendre un sifflement à la fin du gonflage. C'est la surpression de l'air qui s'évacue par les soupapes de sécurité. En effet, gonfler un radeau à 0 °C ou à 31°C, ne demande pas la même quantité d'air. Comme la bouteille d'air doit parer au pire, à 31°C, vous aurez un excès d'air qui doit s'échapper.
Connaître la place du couteau intégré au radeau. Celui qui sert à trancher le bout. Sinon de nuit ...
Ne trancher le bout que si le voilier va couler. Pour évacuer tout cauchemar, la fixation du bout est tarée, si le voilier coule, il ne vous entraînera pas dans les abysses.
Se rappeler qu'un voilier à la vie très dure. Il ne coule que difficilement. Même sérieusement immergé, il regorge d'outils, de matériel et d'alimentation. Toutes choses qui vous manquent dans le radeau.
Si vous prévoyez de rester longtemps attaché au voilier, il peut-être judicieux de doubler le bout par une amarre (plus solide que le bout) prise sur la sangle qui ceinture le radeau.
Mettre l'ancre flottante à l'eau dès que le radeau est libéré et régler la longueur du bout à +- 1/4 de la longueur onde des vagues.
Fixer un vêtement sur la tente du radeau, pour signaler aux éventuels secours aériens que le radeau est bien occupé (voir article sur le Secours maritime ... aérien).
La stabilité d'un radeau par mer formée est moyenne, les déferlantes ou le vent fort peuvent le retourner. En Grand Voyage, ne prévoyez pas un radeau de 8 personnes si vous n'êtes pas plus de 4 à bord. Les hommes forment le lest du bateau, on comprend aisément qu'être à 2 dans un radeau fait pour 8, cela va jouer les tapis volants. En outre, un petit radeau est plus facile à redresser et on se tient plus chaud !
Si on se retrouve à 2 dans un radeau fait pour 4 ou 6, il faut se grouper au vent. Le côté au vent est celui où se trouve l'ancre flottante. Le radeau "collera" mieux à l'eau de ce côté et risquera moins de se retourner.
Vérifier lors d'une révision si la sangle de l'ancre flottante est bien montée sur émerillon, sinon elle sera moins efficace. Le radeau tournera sur lui-même et il serait plus difficile de l'empêcher de se retourner par mer forte.
Sortir la pile saline de l'eau durant la journée pour la replonger la nuit. On peut espérer gagner ainsi une ou plusieurs nuits de vie de la loupiote de signalisation.
Tous les radeaux ne sont pas identiques. Il peut être intéressant de comparer les spécifications. Exemples : boudins double parois - rampe de montée à bord - autoredressable - taille container - poids - etc. C'est aussi dans les détails que les différences se font : émerillon ancre flottante, gonfleur manuel intégré au boudin, ...
Le choix d'un modèle en container ou en sac dépendra surtout de votre lieu de stockage. Sur le pont, le container s'impose. Si c'est dans un coffre, le sac suffit. Mais attendez-vous à ne pas le revoir bien parallélépipédique (ouf) après la première révision ! La bosse porte bonheur paraît-il !
Une grosse révision avant de partir nous permet de naviguer trois années sans révision.
Pour apprendre les gestes essentiels de la manipulation d'un radeau de survie (gonflage, nage en ciré, montée dans le radeau, regonfler un radeau, etc...), il est utile de suivre un stage.
Prendre également l'annexe en l'amarrant au radeau. C'est une surface flottante de secours qui est stable. A tout hasard, si le radeau se dégonfle inexorablement ...
80% des naufrages se terminent bien !
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La lecture du contenu de la survie amène rapidement à une évidence : on va flotter sur la mer dans une espèce de piscine pour jardin et on va rapidement crever sans matériel complémentaire pour se nourrir, s'hydrater et essayer de signaler sa détresse.
Les malins veilleront à garder les deux moitiés du container du radeau. Une fois rendu à terre, elles pourront servir de châssis pour les semis du jardin ...
Grab-Bag Plastimo prérempli.
Katadyn Survivor 06 et 35, pour mettre de l’eau dans son pastis même dans la survie.
Nous avons complété le radeau sans nourriture par des compléments externes (nourriture + matériel). Des petits containers regroupés dans un sac étanche unique se sont révélés trop lourds. Nous avons ensuite opté pour 3 sacs étanches Plastimo avec 2 bretelles (sac à dos) :
Le premier est un Grab Bag Plastimo vendu tout prêt avec de l'avitaillement pour 8 à 10 personnes (nourriture déshydratée, eau, fusées et lampe torche).
Le second sac contient le matériel spécifique à la survie dont nous disposons.
Le troisième sac est quasi vide et est destiné à être rempli par de la nourriture ou du matériel à prendre dans le bateau avant d'embarquer dans la survie.
Voici une suggestion des articles à préparer dans les sacs étanches :
Survie
Si on peut vivre longtemps en mangeant pas ou peu, on ne survit pas après 7 jours sans eau. La technologie moderne nous permet de fabriquer de l'eau douce au départ de l'eau de mer : le désalinisateur. Nous connaissons les modèles électriques montés sur nos bateaux, mais il existe quelques rares modèles manuels pour la survie. Le débit est faible :1 litre/heure. C'est théorique, car la manipulation est fatiguante. Il faut s'efforcer de faire de l'eau dès le début de l'embarquement dans la survie.
Boire et manger, c'est bien, mais sur nos survies non dynamiques, il faut se faire récupérer sinon on va finir par claquer. La généralisation des balises Sarsat 406MHz a fait disparaître une série d’accessoires de détresse (notamment le cerf-volant Sky-Alert de Davis). Tant que la balise émet, vous êtes repérable assez précisément, mais après 48 heures, la batterie est HS. Compte-tenu de votre dérive, l’estime du positionnement va commencer. Dans les zones du grand large et hors de la route des cargos, vous risquez d’attendre plus de 48 heures (Pacifique). Avoir un petit GPS à piles pour communiquer sa position si un Iridium a pu être embarqué. La balise AIS individuelle et la VHF sont de bons moyens de prendre contact avec un navire sauveur en approche finale et pour écouter ses directives.
Donc tout est bon pour faire du bruit et des signaux.
Puisqu'on a du temps, on pourra bricoler pour essayer d'attraper la poiscaille qui va rapidement se mettre à l'ombre sous le radeau. Il faudra aussi nous protéger du soleil.
100 $ en coupures de 1 $ pour des premières dépenses après récupération.
Pêche
Ma passion pour la pêche pourrait bien être revue à la hausse dans ce cas.
1 moulinet de bois avec 25 m de nylon tressé.
3 panties pour filet zooplancton.
1 mitraillette montée sur moulinet.
6 plombs de pêche.
10 hameçons montés.
2 cuillers hameçon triple.
3 bas de ligne métal montées.
1 canne à pêche télescopique compacte.
Pharmacie
Le stress, le mal de mer, l'humidité, le soleil sont des ennemis contre lesquels il faut lutter rapidement. Vous pouvez télécharger la liste des médicaments que nous avons réuni dans une trousse dite «Pharmacie de la Survie». Comme d’habitude, cela ne sert que d’inspiration, vous ferez comme il semblera bon.
A ajouter si possible aux sacs étanches avant d'embarquer dans la survie.
La balise est l'élément clé du sauvetage à notre époque. Tout le système GMDSS est orienté vers le recueil par un navire sauveteur. Il FAUT une balise qui tienne au moins 48 heures pour la croisière océanique. Les modèles avec GPS intégré réduisent le temps de localisation de 2 heures à 10 minutes et une précision de quelques milles à une centaine de mètres.
Un téléphone Iridium pourrait aussi changer l'issue d'un naufrage, surtout si on a un petit GPS portable avec soi. Cette paire peut également prolonger le contact avec la terre une fois la balise à plat.
Par temps froid, la survie passe aussi par le maintien de la chaleur du corps. Les combinaisons de survie ont fait leurs preuves (notamment Lalizas, 4Water ou autres - Cotten ne la fabrique plus). A défaut, des combis de plongée devraient pouvoir faire l'affaire.
Notre annexe à fond rigide devrait pouvoir nous accompagner également en cas d'abandon du bateau, et augmenter considérablement notre surface flottante.
Papiers officiels
Il y a pas mal de chance que la plupart de vos documents officiels aient disparus dans le naufrage ou soient fort abîmés. Pour éviter d'avoir à subir d’éventuels ennuis administratifs à l'étranger dans une langue peu maîtrisée, il serait intelligent de garder une copie de tous ces documents dans un "cloud". Il en existe plusieurs gratuits. Dropbox est un des plus populaires. Mettez-y des copies de : carte d'identité, passeports, visas, permis de conduire, licence de navigation, cruising permit, carnet vaccinations, documents du bateau, certificats d'assurance, etc... Il vous suffira de trouver un ordi + Internet + imprimante pour ressusciter les copies des documents originaux.
Pour terminer et si vous n'êtes pas démoralisé, je vous suggère de lire notre autre article : "Le sauvetage maritime .... aérien" qui vous donne le point de vue des sauveteurs aériens sur le sauvetage en mer. C'est plein de choses à savoir !