Trombe marine à quelques centaines de mètres de notre mouillage.
Le printemps en Méditerranée peut réserver quelques surprises.
Pot au noir, ciel de grain, la pluie ne va pas tarder.
Météo et Mauvais temps
Navigation
One - Avril 1976
Edmond et moi quittons Nieuwpoort en direction de Douvres. Voilà déjà deux jours que nous faisons le pied de grue sur le ponton devant mon Sangria, en attendant que le vent de NE diminue. Il semble mollir alors que notre impatience se raidit. Nous n'avons qu'une semaine de congé et on ne va évidemment pas la passer sur les quais ! Nous voilà en route, au largue avec une mer grosse et fleurie de déferlantes. Moins de 5O milles à parcourir, mais le temps s'éternise. A mi-chemin, une vague plus haute claque sur le flanc tribord et remplit le cockpit. Nous ne sommes toujours pas attachés et on se dit qu'il serait temps … de fermer la porte du carré. Les bottes noyées, nous regardons l'eau qui n'en finit pas de s'écouler par les dalots. Le vent remonte et la mer est très formée. Deux ris et un petit foc de route surtoilent le bateau. Les embardées deviennent difficiles à contenir, la mer est partout sur le bateau. Les énormes digues de Douvres sont en vue, droit sur l'étrave. Nous apercevons un ferry qui manœuvre dans la darse pour sortir. Fair play, le Captain immobilise son navire et nous cède le passage. Nous devons avoir l'air bien petit dans cette tourmente. Le Sangria déboule entre les musoirs et retrouve un plan d'eau assagi. Trempés jusqu'au caleçon, nous mouillons au milieu de l'avant port (encore permis à l'époque). Les autorités portuaires viennent nous saluer de vive voix, car nous n'avons pas de VHF. Le vent est actuellement entre 8 et 9 Beaufort … Les formalités douanières sont remises à plus tard et nous passons la nuit à grelotter dans un demi sommeil, au son des tiraillements de notre ancre. Au petit lever, le vent a disparu et un lourd manteau de brouillard fige tous mouvements.
La météo n'annonçait pas de vent inférieur à 7 beauforts et nous sommes tout de même partis sur un bateau de 7,5 m dans une mer formée par plusieurs jours de vent, au début du printemps par température basse et une eau glaciale. Les échéances peuvent être meurtrières. Un écoute attentive de la météo ne sera d'aucune utilité sans l'analyse responsable du skipper. La jeunesse, l'inexpérience ont eu raison de la plus élémentaire prudence. Lucky man.
Two - Août 1984
Avec quelques copains, nous décidons d'amener mon bateau aux Pays-bas. Le vent est fort (7 à 8), mais d'ouest. Nous l'aurons au portant. Le bateau de 35 pieds est bon marin. A bord, nous sommes cinq. Le génois est réduit au tiers et la GV a pris 2 ris. Le bateau ondule du cul sur les déferlantes et nous gréons rapidement une retenue issue d'un solide ancien palan de la GV. Celle-ci se met à contre régulièrement sous l'ampleur des vagues, mais sans gravité. Edmond est à la barre depuis 3 heures et garde le voilier en lacet sur son cap. Je prends la barre et durant la période d'adaptation au feeling de la barre, la GV part encore quelques fois, mais une fois de trop ... La manille capelée sur le rail de fargue se tord et le manillon lâche. La bôme valse d'un bord sur l'autre entraînant dans un large arc de cercle la retenue et son palan qui vient heurter la tête d'une amie assise dans le cockpit. Juste ce qu'il faut pour ne pas la tuer, mais pour lacérer le cuir chevelu et la laisser dans le coma. La vue d'un être affalé, les yeux révulsés et apparemment sans vie est une expérience qui ne s'oublie pas. Sur le canal 16, nous prenons contact avec les autorités portuaires de Zeebruges, à quelques milles de notre route. L'ambulance nous attend sur le quai pour l'hospitaliser, la police maritime aussi…
Six mois de récupération, de graves maux de tête, d'un employeur qui s'impatiente et une assurance qui refusera de jouer sauf avec les mots (équipière = personne qui participe à la conduite d'un navire et qui accepte donc les risques inhérents. Il aurait fallu que j'utilise le terme passager non payant pour que ma RC joue. Ce qui était son cas, c'était la première fois qu'elle montait sur un bateau). Elle a heureusement récupéré. Un accident de mer peut être incroyablement rapide et les conséquences très lourdes sous différents angles pour les équipiers, passagers et skipper. Une météo musclée et un bateau marin peuvent devenir une machine à tuer si une manille à 10 euros lâche. Où s'arrête la précaution du skipper et où commence la malchance ?
Three - Janvier 2006
Nous partons de Salvador de Bahia pour nous rendre à Recife : trois jours de mer. Comme à son habitude, le Rallye des îles du soleil organise différents départs suivant la taille des voiliers participants. Le but est d'arriver approximativement ensemble à l'étape. Une dizaine de bateaux sont lâchés le matin et les plus rapides partiront le lendemain à la même heure. Pourtant le vent de 20 à 25 kn est contraire. Sans broncher les skippers appareillent, prêts à se faire rincer et secouer. A la vacation radio du soir, tous râlent bruyamment. Le lendemain matin, nous récupérons les positions des bateaux : ils sont encore à hauteur de Salvador mais plus au large, ils n'ont pas progressé vers le but. Je consulte la météo la veille de notre départ et je me concerte avec un autre skipper. Nous prenons la décision de ne pas partir à contrevent avec une mer formée, alors que dans les prévisions que nous captons, le vent adonnera et faiblira. Nous annonçons à l'organisateur que nous retardons notre départ d'au moins 24 heures. Tous les autres skippers du dernier groupe suivent notre décision. Seul l'organisateur râle … Nous partons avec 24 heures de retard et … arrivons secs avant les premiers partis.
Même dans le cadre d'une régate ou d'un départ organisé : SEUL le skipper prend la décision finale du départ en fonction des éléments météos qu'il obtient. La décision de départ tiendra compte de son expérience, du bateau et de l'équipage. That's it !