Réflexions 

Arc en ciel complet à Caja de Puerto (Puerto Rico).

Tout va bien, merci !

Caramel au bon plein avec ses voiles sur enrouleurs.

Départ de Théodore de La Gomera aux Canaries. Direction La Barbade.

Départ à la fine pointe de l’aube sous le pleine lune.

Marie-Anne et Catherine entourant le skipper dans le carré d’Antarctica (Tara).

Grand Voyage

1- Le temps disponible


Soit vous êtes retraité (jeune si possible) et vous disposez de tout temps nécessaire pour partir, vous pouvez établir pratiquement n'importe quel programme du moment qu'il est en phase avec les autres critères ci-dessous. C'est le gros de la flotte des navigateurs. Soit vous travaillez et la disponibilité d'une bonne tranche de temps libre sera peut-être la plus grande difficulté pour décider de ce voyage.


Les jeunes profitent de plus en plus de la fin des études pour filer un an avant de commencer une carrière professionnelle. Les fonctionnaires (nombreux) et les militaires profitent des facilités d'une pause carrière pour filer une ou plusieurs années. Les autres profiteront d'un arrêt forcé entre deux jobs (pas évident) ou d'un arrangement avec leur employeur. J'ai rencontré plusieurs cadres supérieurs de sociétés internationales qui avaient pu s'évader une année sabbatique, donc tout est possible ! Les indépendants mettront à profit un break entre deux missions ou la revente de leur société. Et si avez beaucoup de sous, vous payez un skipper et vous rejoignez votre bateau plusieurs fois par an. Mais est-ce encore un grand voyage ?


Ce temps libre retrouvé est la chose qui fera le plus de jaloux dans votre entourage. Et vous verrez que la plupart de vos amis non marins, à qui vous expliquerez pourtant clairement que vous partez un an pour faire une transat et naviguer aux Antilles avant de revenir en Europe, ne comprendront que "Quel veinard ! Il part des années pour faire le tour du monde". Je parie une tablette de chocolat noir …


En discutant avec mon ami Philippe, grand navigateur, nous nous sommes aperçu que pour la très grande majorité des plaisanciers au long cours, dix années de vagabondage étaient une limite rarement dépassée. On peut déjà se faire un beau programme sur cette base mais par précaution partez au plus tard à 60 ans !


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2- Le programme


Le temps est disponible, il faut maintenant établir le programme. Tout le monde fait la même erreur (nous aussi) : on veut trop en faire ! Il faut se réserver du temps dans chaque pays pour prendre la température locale et s'installer un peu. A chaque changement d'escale, il faut trouver ses marques. Cela prend en général un à deux jours, alors pourquoi partir le troisième ? Prenez le rythme des vieux loups de mer : "Si tu arrives dans un endroit qui te plaît, prend tes quartiers et reste au moins une semaine". J'appellerais cela le "temps d'escale", par opposition au "temps de navigation". Trop de temps de navigation finit pas user et saturer l'équipage.


On peut également tomber dans l'excès inverse : le voilier d'un jeune couple de navigateurs est à côté de nous à Ceuta - Maroc. Leurs visages sont burinés et leurs cheveux un peu cramés. Je profite du fait que le skipper met un filet de thon à sécher au soleil pour entamer la causette. Ils sont partis depuis trois ans de France pour les Antilles, mais ils ont flâné en route et ne sont pas allés plus loin que … le Cap-Vert. Ils reviennent en France pour faire un peu de sous et entretenir le bateau avant de repartir vers les Antilles qu'ils espèrent atteindre cette fois !


Limiter son programme, afin de disposer de possibilités d'escales confortables est le plan à suivre. Une année pour faire le triangle Atlantique, c'est très court, mais c'est évidemment mieux que pas du tout. Le bon timing est de deux années, on profite alors longuement du Brésil et du Venezuela qui sont bien plus intéressants que les Antilles (c'est notre avis). Il est aussi possible de faire un tour en Amérique centrale (Honduras, Belize, Guatemala, ..) ou de faire un petit crochet par Terre-Neuve en revenant l'été (c'est l'avis de plusieurs de nos copains).


Le programme du voyage doit être suffisamment ficelé pour équilibrer le temps d'escale et le temps de navigation. Le problème est que l'on se sait pas vraiment d'avance quels sont les coins qui vont plaire et où l'on souhaitera rester. A choisir, rajouter des escales et diminuer le temps de navigation.


Un idée à creuser pour augmenter son temps d'escale est de scinder son voyage en deux parties : vous partez une année avec transat aller et un partenaire part l'année suivante avec transat retour. Même s'il vous paraît impensable de prêter votre si beau voilier à un camarade, le jeu en vaut la chandelle.


Dans la dérive de vos songes, intégrez bien la notion de saison. A moins de vous appeler Chay Blyth, Knox Johnson ou Van Den Heede, on ne traverse pas l'Atlantique nord en hiver et l'été est la bonne saison pour visiter le Venezuela ou le Guatemala.


La première grande traversée est une expérience très différente de la navigation côtière. Le rythme lent ne convient pas à tous. Sachez motiver votre conjointe et choisir vos équipiers. Attendez-vous aussi à faire plus de moteur que prévu, car les pannes de vent existent sur toutes les traversées.


Sachez aussi que les retours en Europe (en avion) cassent le rythme du voyage. J'entends ici le rythme psychologique. On ne se sent plus tout à fait chez soi à terre, nos repères sont à présent sur le bateau. Après une ou quelques semaines d'Europe, il faut se réhabituer au rythme bateau.


Un de nos copains doit rentrer à Paris tous les 3 mois, sous peine de déstabilisation. Il laisse sa femme et son gamin à bord pour aller prendre une bonne rasade de gaz d'échappement, d'embouteillages et de manifestations. Ensuite tout va mieux !


Toutefois, il faut souligner que le l'élaboration de son programme est un élément clé de la réussite de son projet. Il faut maintenir une envie de découverte dans l'écoulement tranquille d'une vie de croisièriste pour ne pas commencer à glandouiller, à tourner en rond et à user sa motivation.


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3- L'âge et l'état physique


Heureusement, les deux ne sont pas liés : on peut être âgé et en bonne forme ou être jeune et en méforme. Le bon sens vous guidera dans le choix de votre programme ou de votre bateau en fonction de votre profil. Nous avons rencontré un plaisancier américain solitaire de 80 ans qui s'amusait bien aux Bahamas au point d'y passer trois mois par an. L'équipage d'un bateau copain de transat totalisait 140 ans … à deux ! Nous avons eu un équipier en pleine force de l'âge qui s'ennuyait à bord, car on ne torchait pas assez de toile et que la vie s'écoulait lentement.


Avec l'âge, on se méfie plus des bobos. Sur ce sujet, le programme Atlantique offre des possibilités variées : mieux vaut ne pas tomber malade en Afrique ou au Cap-Vert, mais les hôpitaux sont très équipés en Amérique du Sud, dans certaines îles des Antilles (Trinidad, îles françaises) et aux Grandes Antilles. Il suffit de pouvoir mettre le prix (assurances possibles) pour être soigné dans le circuit privé. On trouve des médicaments dans les grandes villes, s'ils venaient à manquer dans la pharmacie du bord. Les prescriptions ne sont pas souvent requises.


Le choix du bateau et de son équipement se fera aussi en fonction de l'âge du Capitaine ou de ses aptitudes physiques. A 65 ans, un mât à enrouleur est plus commode que de prendre des ris en pied de mât. Les voiles d'avant à endrailler ont presque disparu des étraves. Il existe actuellement des bateaux très assistés, qui réduisent fortement les efforts physiques des manœuvres. Amel n'en a pas le monopole. A l'opposé, nos copains de " Rio " alignaient pour leur transat aller, un équipage de 4 hommes entre 60 et 72 ans. Ce voilier sportif de 12 m n'a pas d'enrouleur mais une garde-robe avant, pas de pilote automatique mais Raymond a déjà à son actif un tour du monde en régate sans pilote et sans moteur … (J.Cornell Worldtour)


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4- La motivation


La motivation, c'est bien connu, déplace des montagnes. Essayez de visionner le film «Maiden» pour comprendre la force de caractère de Tracy Edwards, skipper du premier équipage 100% féminin de la WhiteBread 1998. Cette motivation peut prendre sa source de façon variée : le désir de se prouver quelque chose, de réaliser un vieux rêve, de découvrir un nouveau pays, de rencontrer une nouvelle culture, etc … C'est grâce à elle que l'on va correctement préparer son projet pour le mener à bien, c'est toujours elle qui va nous aider à passer des moments difficiles (coup de blues, mauvais temps, …). Il est important de la connaître et de la préserver en l'alimentant suivant sa nature.


Mon copain Philippe aime les longues traversée, il s'arrange toujours pour se faire plaisir entre les escales pour s'offrir une belle bordée de quelques jours. Il va même jusqu'à ranger son bateau un moment, histoire de convoyer le bateau d'un autre copain au travers tout l'Océan Indien. Nous préférons la rencontre avec l'authenticité et la culture, c'est pourquoi nous avons été très enthousiaste en Amérique du sud et c'est également pourquoi, nous n'avons que peu aimé les petites Antilles. C'est aussi une des raisons pour laquelle notre motivation a un peu faibli dans le désert magnifique des Bahamas. Arrivés aux Açores, nous retrouvions le plaisir de notre début de vagabondage.


Pour ceux qui sont âgés, en méforme et démotivés, il reste le Prozac et la pétanque …


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5- Les enfants et les parents


Une minorité de couple naviguent avec des enfants, car cette période de leur vie correspond souvent à une pleine activité professionnelle. Les enfants s'acclimatent en général assez bien à bord. Ils vivent pleinement l'expérience jusqu'à l'adolescence, où il quittent souvent le bord (suivis en général par les parents) pour vivre une vie sociale plus normale à leur âge. Souvent les bateaux avec enfants se regroupent et naviguent à quelques uns, pour permettre aux jeunes de jouer ensemble aux escales.


Pour les enfants francophones, il existe les excellents cours du CNED qui doivent être suivis avec sérieux sous peine de problèmes. Cela implique de la part des parents de s’y astreindre. La plupart des échanges avec le CNED se font aujourd’hui par l’Internet. Pour les enfants anglophones, il y le pendant du CNED aux USA. Les cours par correspondance prennent en général toute la matinée. Les enfants travaillent souvent seuls, aidés à la demande par les parents. L'après-midi est libre. Les cours sont en général réservés aux escales, l'assiduité en traversée est difficile à obtenir …


Si les enfants ne sont plus à bord, c'est qu'ils sont à terre et vaquent à leurs études supérieures ou à leur activités professionnelles. Ils finissent bien vite par nous manquer malgré les facilités de communication actuelles. Il en va de même avec nos parents âgés que l'on a parfois l'impression de délaisser, même s'ils affirment le contraire. C'est une absence qu'il faut apprendre à gérer. Les amis manquent parfois dans les coups de blues, mais on se fait tout de même de très bons copains en cours de route.


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6- La décision


Vous le savez déjà, c'est le plus difficile. Une fois prise la décision de partir pendant une ou plusieurs années, le reste est question d'organisation. Mais tout à un prix et il faudra sacrifier certaines choses sur l'autel de la réalisation d'un vieux rêve. Le prix à payer est différent pour chacun de nous, ce seront des choix cornéliens et des coûts agaçants. Mais en ce qui nous concerne, pas de regrets, l'expérience vaut vraiment la peine. Beaucoup de nos amis sont de cet avis et ceux qui sont revenus en Europe après un premier voyage songent TOUS à repartir un jour ou l'autre. Nous n'avons pas fait exception, Caramel est reparti sur les mers en quête de nouvelles aventures et de nouvelles rencontres. Trois grands voyages qui laissent de merveilleux souvenirs.


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7- Avec le sien ou celui d'un autre ?


Le candidat au grand voyage ne doit pas nécessairement posséder un bateau. En fait, il est beaucoup plus facile de partir vers l'exotisme comme équipier. Le tout est de bien s'entendre avec les propriétaires. Nous avons vu des exemples où tout se passait bien (si, si !). C'est beaucoup moins cher que de s'engager dans l'achat et/ou l'armement de son propre bateau, mais il devra suivre l'itinéraire envisagé par le skipper. Il faudra bien entendu vivre avec la frustration de ne pas l'avoir fait sur son propre navire. C'est peut-être aussi l'occasion de vous tester au large, si quelques doutes vous tarabustent.


Toutefois, rares sont les expériences qui tiennent la route plus de 6 mois mais que de choses à voir sur ce laps de temps. Et une fois le bord quitté, on rentre simplement à la maison, des images plein la tête ! Un équipier malin fera un test (obligatoire) avec quelques skippers et choisira l'embarquement le plus sympa et le plus sûr. Les demandes ne manquent pas. Un tour des copains, des pontons, des organisateurs de rallyes et des forums du Net fera vite le plein de propositions. 


Dernière mise à jour de l’article : janvier 2020

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