Voyage 2001 - 2003

de Caramel

CHAPITRE 15 : REP. DOMINICAINE - BAHAMAS - FLORIDE


Nous traversons ce lundi de début mars, le Mona Passage vers la République Dominicaine. Traversée mouvementée comme prévu, mais avec une visite sympathique : une baleine à bosse. Elles se reproduisent dans une large baie au nord de la RD où nous ferons étape. Caramel la croise sans qu'elle daigne nous jeter un œil ni même souffle.


Autre émotion de la semaine : la rentrée dans la petite marina de Punta Cana. Il a fallu une demi-heure de discussion par radio avec le responsable de la marina pour savoir quelle était l'état de la marée, la hauteur d'eau dans le chenal d'accès et dans la marina. In fine, il avait tout faux, mais nous sommes tout de même passés, aidés par la chance. On a senti Caramel recroqueviller sa quille en frissonnant ! L'endroit était difficile à repérer du large, car il n'y avait … aucun bateau dans la marina. Bizarre.


Nous sommes accueillis par le marinero et prenons un amarrage confortable, cul au vent. De l'air assuré dans la cabine arrière pour la nuit.


En plus du marinero, nous avons droit aux officiels. Ils sont six, alignés derrière Caramel sur le petit quai : agriculture, police, douane, immigration, drogue et un dernier qui n'a rien dit. Ce doit être le chef. Soixante dollars US de frais, sans reçu, ce qui représente le double de ce qui est marqué dans le guide nautique (vieux de 3 ans tout de même). Pas de bakchich pour ce prix, tout est inclus ... Nous oublions de réclamer le reçu, ce qui posera un petit problème plus tard.


Deux heures du matin, marée basse. Dans un petit coup de ressac, Caramel talonne sur fond du port. Damned ! Et nous sommes seulement en mortes eaux. Le matin, le Captain prend son fil à plomb et sonde différentes places. Pas de problème de choix comme elles sont toutes libres. Il jette son dévolu sur celle qui nous offre le maximum d'eau, soit 20 cm sous la quille à marée basse en vidant la tonne d'eau de notre réservoir d'eau douce. Le Captain en profite pour aller faire quelques sondages dans la passe d'accès à la marina, et noter l'heure de la marée haute, histoire de préparer la sortie de Caramel. Le marinero de la marina prend note avec étonnement de toutes ces nouvelles données sur son royaume …


Les gens d'ici sont vraiment charmants et souriants, un régal. Nous avons non seulement la marina pour nous seuls, mais également la piscine. Le tout sous les cocotiers, la plage blanche, la barrière de corail qui protège des vagues, etc...


Cette petite marina fait partie d'un gigantesque ensemble balnéaire : le Punta Cana Resort and Club : plusieurs milliers d'hectares comprenant en plus de la marina, un grand complexe hôtelier (des maisonnettes dans la cocoteraie), de belles villas, un terrain de golf, un Club Méditerranée et une piste d'aviation internationale ! Celle-ci dessert d'ailleurs tous les resorts de l'est de l'île.


Revers de la médaille : la première ville est à 50 kilomètres. Il faut donc louer une auto pour aller faire ses courses ! Nous profitons de la location de la voiture pour récupérer Sophie et son amie qui nous rejoignent pour une pause soleil.


Nous faisons connaissance d'un couple canadien installés à l'hôtel. Grâce à eux, nous sommes conviés par le copropriétaire et manager du Punta Cana Group, à visiter les lieux qui s'étendent sur plus de 8000 hectares


Frank Rainieri est un homme absolument charmant. Très occupé par la gestion de son énorme entreprise, il trouve le temps de nous faire visiter son domaine. Il a bâti un village pour les travailleurs du Resort. Les occupants deviennent propriétaire leur maison s'il travaillent 13 années sur place. Régulièrement, le village des travailleurs s'agrandit et s'équipe : après une école moderne, c'est une très jolie église qui est bâtie sur la place du village.


Un centre scientifique d'étude sur la biodiversité a été bâti en association avec la Cornell University des USA. Une usine de pompage d'eau douce et de filtration ainsi qu'une grosse usine de production électrique alimentent le domaine. L'aéroport international a une architecture plaisante et inhabituelle, avec ses bâtiment aux longs toits de palmes, style paillote. D'énormes réservoirs de kérosène dissimulés permettent le réapprovisionnement des avions qui repartent en direct vers l'Europe, le Canada et les USA. Une équipe de maintenance est en cours de montage.


Frank est l'homme de cette réalisation, il a commencé jeune, il y a 35 ans, en apportant un projet et sa capacité de travail à des investisseurs américains, contre une participation confortable dans le projet. Success story de longue haleine à partir d'un terrain vierge seulement accessible par le seul hélicoptère du pays. Le premier travail a été de tailler une route dans cette forêt. Il y a eu comme toujours des moments critiques et des concessions, mais aujourd'hui l'ensemble est bien assis. L'hôtel a été dans un premier temps le principal centre de profit, aujourd'hui, c'est l'aéroport qui génère les meilleurs bénéfices et bientôt ce sera la vente des terrains à bâtir autour du terrain de golf qui prendra la tête du tiercé gagnant. Le terrain de golf est magnifique et il y a la place pour en construire trois autres …


Nous avons terminé notre tour par un rafraîchissement dans la villa de Frank : idyllique. Construite avec des blocs de corail jaune qui forme le sous-sol de la région, elle a peu de fenêtres. Le vent circule partout en rafraîchissant les pièces, les vues sur l'infini de la mer sont partout. La grande salle à manger extérieure face à l'alizé du large est un délice et dans la piscine sans bordures, on a l'impression de nager dans la mer. Ses voisins sont également assez fortunés pour avoir construits des villas exceptionnelles : Julio Iglesias, Oscar de la Renta ou Michael Barychnikov. La veille de notre départ, Frank a encore trouvé le temps de venir nous saluer dans la marina. Merci Frank, tu es vraiment un homme hors du commun.


Sophie et son amie terminent leur séjour à l'hôtel alors qu'il est temps pour nous de continuer sur la côte nord d'Hispaniola en direction de Samana et ses baleines à bosse.


La baie de Samana est mal protégée, elle est ouverte à la houle du large, on se demande pourquoi les hommes y ont établi des activités côtières. La ville est moche. Des officiels essayent de nous soutirer des dollars sous prétexte que nous mettons l'ancre dans la baie : 30 dollars par nuit, 50% de plus que dans la Marina de Punta Cana ! Du jamais vu. Le Captain s'emporte, Catherine rajoute des commentaires en meilleur espagnol et on finit par négocier quatre nuits pour le prix d'une. Il est temps de passer à des choses plus intéressantes. On va déjeuner dans le resto d'un français qui nous apprend pas mal de choses sur le coin et surtout avec qui il faut aller voir les baleines d'un peu plus près.


Nous nous rendons donc chez Kim, une citoyenne US installée ici depuis 18 ans à cause de son amour des cétacés. Les baleines à bosse (ou Jubarte) mesure 12 à 15 mètres et doivent leur nom à la forme bananée que prend leur dos quand elles plongent. Ce sont des baleines de l'Atlantique nord qui ont migré en cette période de l'année. Elles viennent se reproduire et mettre bas entre autre dans la baie de Samana de janvier à mars, parce que les eaux sont chaudes et de faibles profondeurs. Comme pour les tortues, nous ne connaissons pas ce qui les poussent à revenir sur leur lieu de naissance pour se reproduire, ni ce qui les guide à destination.


Elles ne se nourrissent pas durant les migrations et le séjour en eaux tropicales, soit plus de cinq mois, car il n'y a tout simplement pas de nourriture pour elles dans ces eaux chaudes. Elles vivent sur leur stock de graisse qu'elles ont accumulé. Les femelles mettent au monde un baleineau tous les 2 ans, après une gestation de plus de 11 mois. Le juvénile mesure 4 mètres et pèse une tonne. Il n'a pas de graisse pour le protéger du froid et c'est la raison de sa naissance dans les eaux chaudes. Il tête comme un glouton près de 200 litres de lait par jour qu'il transforme aussitôt en graisse. Il grossit au rythme incroyable de 2 kilos par heure ! Il double de taille en un an. Durant toute cette période, en enfant sage, il reste toujours près de sa mère.


Chaque 5 minutes, le juvénile doit remonter à la surface pour s'oxygéner, sa mère reste au-dessous et ne s'oxygène que toute les 20 minutes. Ces respirations en surface permettent de les observer. Nous embarquons sur le bateaux de Kim à la recherche des jubartes. Elle sait quels sont les endroits habituels où se tiennent les cétacés qui deviennent plus rares en cette fin de saison. Après une petite heure de recherche, Kim aperçoit le "souffle" de l'un d'eux. Nous nous approchons. Kim applique les règles d'observation des cétacés et se tient en arrière de leur avance, à distance respectable. A plusieurs reprises, nous apercevons le petit et sa mère, les ouïes et le spray de respiration, la nageoire dorsale curieusement petite, la gueule couverte de nodules mais nous n'aurons pas la chance de la voir sauter hors de l'eau, ouvrant ses immenses nageoires pectorales et retombant sur le dos dans un tonitruant éclaboussement. Elle l'a fait hier et doit être fatiguée … Kim reconnaît les baleines grâce au dessin unique de sa queue. C'est tout de même les yeux pleins d'images émouvantes que nous rejoignons la ville et sa jetée.


La veille de départ c'est toujours le même scénario : sus aux courses. Pour deux sous nous prenons chacun une moto-taxi vers le marché haut en couleur (ça faisait vraiment longtemps que nous n'en avions vu un comme cela) où Catherine trouve des fruits et légumes locaux. Dans un camion benne, un homme vend des cochonnets, nous regardons les tractations avec les locaux : 20 euros pour un porcin de 20 kilos. Nous ne sommes finalement pas tentés. Caramel en sera sûrement ravi !


Nous faisons étape à Rio Marina : pas de baie, seulement un mouillage en mer le long de la côte autorisé par le temps très calme. Notre camarade Allan nous y rejoint. Il était arrivé à Punta Cana la veille de notre départ, mort de fatigue après quatre jours de navigation au près pour traverser la mer des Caraïbes. Il navigue en solitaire depuis que sa petite amie a débarqué au Venezuela (l'inverse est rare). Jeune et fringant citoyen US, il est un peu fou et très sympa. Nous remontons dans son annexe le court rio Marina sous les cimes d'une très haute mangrove peuplée de centaines d'aigrettes blanches et de vautours qui défèquent grassement à notre passage … Nous arrivons dans un petit lac nommé Laguna Gri-Gri, copie conforme du lagon d'Apocalypse Now, la comparaison nourrit un sentiment assez hésitant, mais le village est sympathique et la bière au bistrot parfaitement glacée. La nuit est calme et le "Baudrier d'Orion" est toujours bien au-dessus de nos têtes comme chaque nuit. C'est rassurant !


Une dernier bord démarré avant l'aube nous conduit à l'entrée de la passe de Luperon dont nous n'avons pas de carte très précise. Nous zigzaguons un peu dans peu d'eau pour finalement glisser dans l'eau verte de la mangrove.


***


Plus d'une semaine à Luperon, nous y sommes restés scotchés non pas parce que c'était vraiment joli ou excitant, mais on y était bien, en même temps que les autres . . . 80 bateaux à l'ancre. Luperon est une baie en forme de trèfle à 3 feuilles plantée dans la côte nord de la République Dominicaine. On y est parfaitement protégé dans chacune des feuilles. Bien sûr il y de nouveau les officiels qui viennent à 5 ou 6 visiter le bord, remplir des papiers qui ne servent à rien et demander leur petit bakchich habituel. On leur offre une bière ou un coca et on les dégage rapidement si possible. Mais c'est toujours très agaçant. Comme le dira un de nos futurs équipiers : c'est le poil à gratter de la croisière.


Nous avons droit à une visite de contrôle du service de l'agriculture. Un rapide tour de bateau et encore une note de 20 $. On explique aux deux inspecteurs que le contrôle a déjà été fait à Punta Cana, mais que nous n'avons reçu ni copie de rapport, ni de preuve de paiement mais que nous refusons de payer à nouveau. Discussion d'une demi-heure qui s'achève gentiment grâce finalement à leur bon vouloir et à la facture de la marina prouvant que nous y sommes bien allés. Tournée générale, on trinque à la santé du pays. En réalité à l'exception des militaires, les fonctionnaires sont nommés pour la durée d'une législature et ont chacun une autre occupation professionnelle. C'est la raison pour laquelle ils n'ont pas d'uniforme, le revolver automatique est toutefois bien présent entre la ceinture et le postérieur ! L'inspecteur sanitaire tient le bistrot "Pollo al Carbon" (Poulet BBQ) dans le village chez qui nous ne manquons pas d'aller nous rassasier, jusqu'à ce que Catherine découvre l'arrière-cour où sont zigouillés les volatiles …


C'est en allant exhiber nos papiers à la "Comandancia de la Guerra" que nous découvrons les premières images de la guerre du Golfe II : "Family Bush, le retour". Nous sommes un peu sous informés (encore que ...), mais un mot nous vient seulement à l'esprit : Pourquoi ? Quel est le véritable moteur qui pousse le Président Bush et son administration à agir de la sorte à l'encontre des lois internationales et contre l'opinion publique des 4/5 de la planète ? Nous l'apprendrons probablement dans les mois ou les années qui viennent, si toutefois il arrive à ses fins inavouées, ce qui n'est pas si certain.


Comme dans tout rassemblement de yachties, une vie sociale s'établit rapidement. Les américains sont des spécialistes dans ce domaine, et comme ils représentent ici plus de 90% des bateaux, nous avons rapidement affaire à un barbecue géant sur la plage de la sortie de la baie. Trois cochons entiers ont été rôtis toute la journée par les locaux du village qui sont également conviés à la fiesta. Dans le système US, chaque bateau arrive avec ses boissons personnelles et un plat pour tous. Catherine a préparé une délicieuse tarte aux pruneaux. Il s'agit de faire rapidement la file devant la longue table aménagée pour le buffet, car les américains sont voraces et les locaux très excités. Evidemment, nous sommes arrivés trop tard pour goûter la tarte aux pruneaux ... On s'est vengé sur la salade de patates aux oignons et sur celle de yucas.


Nous sommes toujours mouillés près de notre copain américain Allan, qui cherche une âme soeur pour équilibrer sa soif d'affection et sa "pression glandulaire". Mais nous faisons également connaissance du seul bateau français de la baie : "Oé" d'Antoine et Céline. Ils terminent un tour du monde en 7 ans sur un très joli bateau construit de ses mains expertes et professionnelles. De retour d'Afrique du Sud par le Brésil et le Venezuela, ils remonteront en France en juin si toutefois leur bateau n'est pas revendu aux USA. Nous passons quelques bons moments ensemble et nous leur vendons l'ancienne annexe de Caramel, dont ils sont ravis.


L'approvisionnement dans le village de Luperon est très limité et nous prenons avec Allan les "Guagua" (minibus publics) pour rejoindre Puerto Plata, la ville la plus proche à 50 kilomètres. Ces minibus sont plutôt modernes, mais bondés et riches en sensations fortes. Dans le village, pour moins d'un demi dollar, on va où on veut comme passager d'une «moto-coche». Pratique pour remplir les bidons de gasoil, car la pompe est à l'extrémité du village. Les locaux y montent parfois à quatre.


Beaucoup d'américains sont installés plus ou moins définitivement à Luperon, la coque de leur bateau toute bardée de coquillages coupants, ils vaquent à quelques occupations peu lucratives, mais ces "Sea Gypsies" vivent mieux qu'aux USA avec 1000 dollars de retraite mensuelle. Les gens qui vivent à l'année sur leur bateau ne nagent plus. Malgré l'eau verte inhérente à la mangrove, nous essayons de profiter tous les jours à marée haute d'une petite plage de sable à l'angle d'une des baies et nous y sommes toujours seuls.


Il faut maintenant avancer, déjà le 25 mars et il est temps de songer à monter aux Bahamas. Nous partons avec Céline et Antoine faire un grand approvisionnement à Puerto Plata à une heure de route en taxi commun. Catherine en profite pour y voir un ophtalmo pour soigner un virus autour de l'oeil droit.


Le Captain achète quelques bidons de gasoil, pour augmenter l'autonomie durant le mois d'avril, car les ressources aux Bahamas sont rares, espacées et chères.


Une coupe de cheveux à la mode dominicaine pour le Captain (= la boule à zéro) et un dernier poulet frit dans la cabane d'un villageois et nous mettons cap au Nord le jeudi 27 vers French Cays dans l'archipel des Turks & Caicos. Nous avançons un peu trop vite et malgré la réduction de toile, Caramel arrive au tout petit matin en face de notre escale prévue. La mer est formée et le vent est costaud. La décision est prise de continuer directement vers les Bahamas pour éviter d'être ballottés durant 24 heures derrière le minuscule îlot dont la protection sera insuffisante. On sort toute la toile et Caramel déboule à plus de 8 noeuds vers l'île de Mayaguana, au sud de l'archipel des Bahamas.


***


Un peu de stress en fin d'après-midi pour embouquer la passe qui nous mène dans le lagon, derrière la barrière de corail. Mais finalement tout se passe bien et il va surtout falloir s'y habituer car dans l'archipel, il y a peu d'eau et du corail partout près des îles. Mais qu'est-ce qu'on est venu faire ici !?


En revanche, la couleur de l'eau est fantastique. Comme l'eau est très cristalline, les nuances colorées du fond se voient très bien et le sable clair donne un joli ton turquoise lumineux à l'ensemble du lagon. A la première plongée, le Captain aperçoit une raie pastenague d'un mètre d’envergure juste sous le bateau. Peu farouche, elle prend ses aises sous la quille et fouille le sable. Un barracuda de 80 cm rôde, il a l'air d'avoir faim ... L'ancre est bien enfoncée dans le sable. La nuit sera bonne. Seul l'orage nous réveille, mais il est pardonné car le Caramel est rincé du sel de mer sous la pluie diluvienne.


C'est le début du week-end et nous devons attendre lundi pour que le bureau des officiels s'ouvre afin de pouvoir faire notre "check in" dans le pays. Deux bateaux américains arrivent par la passe et mouillent près de nous. Mike vient nous inviter à prendre un drink à 17 heures sur leur bateau. Ca va sûrement parler météo, car un front devrait nous arriver sur le râble dans les 72 heures. Fini les latitudes posées et sans surprise des alizés. Caramel soit prudent, nous voici de retour sous le régime des dépressions.


Nous sommes mouillés au milieu du lagon, bien loin de la rive, inaccessible au tirant d'eau de Caramel et interdite en théorie sans avoir fait le check in. De toute façon, on n'a rien perdu à ne pas se balader à terre, le bled est aussi gai que la station à essence de Bagdad Café, la musique en moins.


Il y a un bureau du Gouvernement pour toute l'île. Le chef tient lieu de bailli local et est apte à tout signer. Il n'est évidemment pas là lundi matin, mais son staff de charmantes girls est présent. Nous poireautons 3 heures afin de voir le grand cacique rappliquer de son déjeuner, et pour lui laisser les 100 $ de permis en tous genres. Entre-temps de gros nuages se sont amoncelés et il est trop tard pour retraverser facilement les 4 milles qui nous sépare de Caramel, mouillé de l'autre côté du lagon. Le grain est là, des gouttes piquantes comme de la grêle, une visibilité nulle et des vaguelettes qui partent à l'assaut de nos fesses toutes les 10 secondes. Dans ces cas là, le vent tourne toujours et se retrouve face à nous, c'est la loi des emm... universels. On finit par retrouver ce bon Caramel entre deux rideaux d'ondées. Catherine saute à bord, le dos en confiture et le Captain laisse échapper le porte-documents du bateau au fond de l'annexe passablement inondée ... Rontudjûûû (alors qu'on a des sacs étanches à bord).


Pendant que Catherine sèche les papiers au sèche-cheveux, le Captain remonte le moteur et l'annexe, accroche les protections latérales du cockpit et vérifie le passage des bouts des 2 ancres. En effet le grain est la vedette américaine du spectacle principal : notre premier front froid. Le régime plus mâle des perturbations américaines est bien annoncé, elles ne font pas l'objet de surprise. Celle-ci était attendue depuis deux jours et c'est la raison pour laquelle Caramel était déjà sur 2 ancres depuis dimanche. Le fond de bon sable devrait nous assurer une bonne tenue, mais le récif de corail à 500m derrière nous est toujours un peu ressenti comme une énorme gueule ouverte !


Donc depuis lundi, nous avons nos papiers, mais sommes coincés par ce front probablement jusqu'à jeudi. Le vent est un peu monté aujourd'hui et il souffle entre 30 et 35 noeuds (60 -70 km/h). L'eau du lagon n'est plus turquoise mais laiteuse, survolées d'embruns et des vagues de plus de 60 cm se creusent malgré que le vent vienne de la côte et que la profondeur de l'eau soit de trois mètres. Le ciel est bas et lourd, Caramel le grattouille presque de sa pomme de grand mât. Gai Gai Gai Mesdames et Messieurs !


Nous sommes maintenant cinq bateaux dans le lagon, mais nous ne nous parlons que par radio, les visites apéritives sont remises pour cause de terrain impraticable. Ecriture et lecture sont de mise. Un Scrabble est prévu dans 20 minutes dans le planning du bord.


L'étude des mouillages suivants donne le frisson : hauts fonds de sable et du corail partout ... Les Bahamas s'annoncent hard ...


Finalement jeudi matin, le gros du mauvais temps s'évacue et Caramel déroule ses voiles de conserve avec son camarade "Oé" en direction du Nord-Ouest. Il faut avancer pour rattraper le retard accumulé cette semaine. Caramel prend son élan pour un bord au portant de 150 milles dans une mer encore assez formée au large par le vent des derniers jours. 


A 07h30 le lendemain matin, Catherine équipée de ses lunettes polarisantes, guide l'étrave entre deux gros pâtés de corail. Plouf, l'ancre Delta et 30 mètres de chaîne vont tirer un court sillon dans le sable blanc de Conception Island, nous voilà bien accrochés. L'eau est d'une curieuse couleur : violet clair, comme quelques gouttes d'encre diluées dans un verre d'eau. Un seul bateau au mouillage dans une baie somptueuse, on se réconcilie pour l'instant avec les Bahamas.


"Oé" arrive dans la demi-heure qui suit, il s'ancre près de nous. C'est l'heure de la siestouille pour récupérer un peu de cette nuit mouvementée. Au menu du week-end : promenades sur la plage (on a bien besoin de marcher), plongée sur les coraux à moins d'une encablure de Caramel et une petite visite de courtoisie à un grand mérou, pas trop craintif dans ce parc naturel sous-marin. Profitons du soleil retrouvé : sus à la lessive !


"Oé" nous quitte dimanche après-midi, il doit être à Nassau dans 4 jours. Il nous reste quatre semaines pour faire les 300 milles qui nous séparent de la Floride. Allons voir si les Exumas sont à la hauteur de leur réputation.


***


Nous quittons la baie de Conception, c'est peut-être la plus belle plage que nous ayons vu de ce côté de l'Atlantique. L'eau est tellement cristalline que la lumière change les couleurs de la mer à chaque heure du jour. Nous avons un peu traîné, mais il est temps de refaire l'avitaillement de produits frais.


George Town est le chef-lieu des Exumas, chapelets d'îles en traits tirés au milieu de l'archipel des Bahamas. Axée Nord-Sud, la ligne d'îles a à sa droite l'océan Atlantique et ses vagues qui roulent sur les côtes. Sur le flanc gauche, le banc des Exumas et ses eaux plates, dont la profondeur varie entre 6 mètres au mieux et moins d'un mètre la plupart du temps. La lecture des cartes va s'avérer très importante, et le port des lunettes polarisantes ... aussi. Catherine fait la vigie en figure de proue. Car même lorsque la hauteur d'eau est suffisante pour Caramel, des têtes de corail encombrent les chenaux de navigation proposés sur les cartes. On verra cela en détail lors de la zigzagodromie imposée lors de notre remontée des Exumas.


Après un rapide bord de largue de 45 milles, l'arrivée finale à George Town qui ne nécessite pas moins de 7 points de route sur le GPS. Située sur Grand Exuma, elle est protégée des vents d'Est dominants par une longue île au vent : Stocking island. Une bonne centaine de voiliers parsème la baie et les criques avoisinantes. Nous choisissons de mouiller devant une plage de Stocking, à un demi mille de la ville. L'annexe est rapidement descendue à l'eau et nous filons vers la ville.


Le dinghy dock (ponton pour annexes) est amusant, pour y arriver il faut passer dans un petit canal taillé dans la roche et enjambé par la route principale pour aboutir dans le Lagon Victoria (ex colonie british oblige). Le plan d'eau est plat quelque soit le vent à l'extérieur. Au bout du ponton, la plus grosse superette du bourg : pratique. La pompe à essence a également son petit ponton, pour aller remplir ses jerrycans d'essence ou de gasoil et faire remplir ses bouteilles de gaz.


Nous sommes un peu surpris car la seconde ville du pays après Nassau, n'est qu'un simple gros village. Les rues sont assez sales et beaucoup de bâtiments sont en ruine, on a l'impression que la ville se meurt. Nous nous baladons rapidement d'un bout à l'autre. L'inventaire des possibilités est vite fait !


Le coût de la vie est prohibitif aux Bahamas, mais nous avions fait des provisions en conséquence en République Dominicaine. Tout ou presque est importé des USA. Les tomates ou les pommes coûtent plus d'un euro pièce .... Les plaisanciers américains hurlent quand on parle du prix du gasoil : 90 eurocents le litre (ils feraient bien de venir voir en Europe !). Le téléphone est pratiquement du racket organisé par l'état : 4 dollars la minute vers l'Europe !


La quasi totalité des bateaux sont nord-américains, on taille une bavette avec l'un ou l'autre, mais le contact est souvent sans lendemain. Nous trouvons tout de même deux plaisanciers français avec qui nous échangeons des livres. Catherine questionne toujours les yachties sur les requins dans les régions où nous irons. Pas de chance, les Bahamas semblent en collectionner pas mal d'espèces !


Décidément le temps aux Bahamas est instable, la météo fait à nouveau des caprices, un front froid est annoncé pour la nuit de mercredi à jeudi, avec une rotation du vent vers le NW par le Sud. Le vent n'est pas donné pour plus de 20 nœuds, ce qui sur un plan d'eau protégé des vagues est peu gênant. Mais les plaisanciers US sont assez peureux et sur le canal 68 de la VHF (le réseau des yachties de George Town), le papotage bat son plein. Avant la nuit ce sont des dizaines de bateaux qui décampent de Stocking pour s'entasser dans la baie de la ville, située en face à 800 m. Heureusement que le vent ne s'est jamais levé à plus de 18 nœuds, car cela aurait fait des dégâts. Vendredi soir, une procession de voiliers s'égrenait dans l'autre sens pour revenir dans les baies de Stocking.


Certes, le temps est gris pendant le passage d'un front, mais ce n'est tout de même pas la Mer du Nord, on peut nager et nous faisons des balades sur la longue plage de Stocking, côté océan. Les rouleaux déferlent dans un grondement sourd pendant que Catherine ramasse des très petits coquillages pour sa collection. Deux dauphins juvéniles (moins d'un mètre) viennent se frotter à la coque de Caramel, nous n'avions jamais vu cela. Une histoire d'amour naissante ?


L'activité sur Caramel est un peu plus littéraire que d'habitude, on se tient au courant grâce à RFI de l'évolution du conflit en Iraq. Nous semblons être plus concernés que les américains autour de nous qui n'en parlent pas. Mais il est déjà temps de refaire le plein de légumes, nous quittons George Town demain pour remonter les Exumas.


La passe ouest pour sortir de George Town est scabreuse à marée basse, mais Caramel s'en sort délicatement sur la pointe de la quille : seulement 15 cm d'eau libre.


Rat Cay est notre première halte à 20 milles. Une passe en pleine eau et sans traîtrise nous amène derrière l'îlot du Rat. L'eau est plate et blanche, tellement le soleil se reflète sur le fond de sable. Nous sommes seuls et filons directement avec l'annexe explorer les cays (îlots) des environs. Tous ces îlots sont d'anciens récifs de corail millénaire, aujourd'hui au-dessus de la surface de l'océan. Ils sont recouverts de taillis maritime et de langues de sable. Nous accostons sur l'un d'eux.


Il est particulier car les vagues rentrent dans les trous du récifs côté océan et ressortent par endroits de l'autre côté de l'îlot en colonnes de plusieurs mètres d'eau pulvérisée, le tout dans un grand bruit de respiration.


Une dune de sable basse couvre la partie centrale de l'îlot. Les vagues de la mer prennent gentiment son assaut. Les vagues plus molles du côté banc essayent également de la conquérir. L'histoire finit joliment lorsqu'au milieu de la dune les rouleaux les plus audacieux meurent en s'embrassant d'un ultime baiser d'écume.


Nous contemplons ce spectacle curieux, sous l'oeil attentif d'un aigle de mer perché sur une branche morte de taillis. Robe brune, tête et jabot blanc, ce seigneur des côtes plane durant des heures à plus de 100 m de haut et plonge à pic pour enserrer le poisson que son regard acéré détecte de la haut. Notre présence ne lui plaît pas et il s'en va.


Retour sur Caramel, où nous observons des millions de petites méduses brunes de la taille d'une pièce de 50 cents. Elles dérivent par bancs compacts au gré du courant de marée. Le contraste de couleur avec l'eau et le sable du fond est élégant.


Cap sur Black Point à 30 milles au nord. La passe de Dotham Cut est étroite, mais assez saine. Nous sommes en période de vives eaux et avec le courant nous y passons à plus de 9 nœuds. Il ne s'agit pas de rater son entrée, le résultat serait catastrophique …


Black Point est, nous dit-on, un village des Bahamas des années 50. De fait, l'ambiance est assez particulière : une rue dont l'asphalte est recouvert de sable au gré du vent, les habitations de bois ou de parpaings disposées de façon anarchique, mais peintes en tons pastels. Les habitants sont devant les seuils, assis sous une tonnelle ou un arbre et tressent tous de longues bandes en feuilles de palmier séchées. Tout en devisant entre eux, ils ne manquent pas de saluer les passants. Deux vieilles bahamiennes nous interpellent. "Venez voir notre travail". Elles assemblent les bandes tressées pour former des paniers, des tapis, des chapeaux. Nous achetons une carpette de plage aussi souple qu'une tôle de métal ! Elle devrait durer celle-ci.


Il y a un policier : colosse noir d'ébène en uniforme impeccable qui veille sur sa ville depuis son kiosque carré. Le fonctionnaire du téléphone prend le soleil devant son bureau. La poste est fermée, il faut frapper à la porte de la maison voisine pour le faire ouvrir. Quelques chiens esseulés se roulent dans le sable pour s'épouiller avant de se recoucher à l'ombre et retomber en léthargie.


Seul pôle d'activités : "Lorrain's Café", bistrot-resto où les quelques yachties mouillés dans la baie se retrouvent, le temps d'une bière sirotée sous la terrasse fermée par des moustiquaires. Pour choisir sa consommation, on va derrière le bar et on ouvre le frigo. Avant de partir, on paie Lorrain. On peut aussi y emprunter des cassettes vidéos sans âge et des livres (en anglais of course). Lorrain est partout, à la caisse, à la cuisine, à la vaisselle et même à l'Internet qui trône dans un coin de la terrasse. La connexion est comme le village, elle prend son temps et avance à son rythme.


Un autre Super Maramu arrive dans la baie : Harmonie de Ralph et Ann, ils achèvent un tour du monde par le Horn. Très bavarde, Ann est une mine de renseignements et grâce à elle, nous trouvons une bonne piste pour un emplacement dans une marina port à Fort Lauderdale pour Caramel au mois de mai.


"Unisono" de Pieter et Corina arrive d'Allemagne par la Turquie. Nous nous sommes croisés plusieurs fois depuis Culebra (Porto Rico). Nous les invitons à bord et parlons de leur expérience des Rallyes EMYR (Méditerranée orientale) et KAYRA (Mer Noire). Peut-être de nouveaux projets pour Caramel … Les rencontres avec les autres yachties sont souvent enrichissantes et ouvrent de nouvelles perspectives.


Un mail de nos copains de "Oé" nous avertit de leur arrivée à Norman's Cay. Nous décidons de remonter un grand bord vers le nord pour les y rejoindre. Nous passons de ce fait un grand nombre d'îles, mais nous ne pourrons jamais tout faire donc autant rester un peu plus longtemps à chaque étape.


La sortie de Dotham Cut depuis le banc vers le Sound (côté océan) est impressionnante. Avec la marée descendante, le courant crée dans la passe une série de vagues fixes de plus de deux mètres, seulement espacées de quelques mètres. Ce pauvre Caramel n'a jamais vu cela. Il escalade la première crête et après avoir pris une inclinaison vers l'avant pour la redescendre, son étrave rentre dans l'eau au bas de la crête suivante. La flottabilité du bateau lui remonte la proue, le pont est couvert d'une lourde couche d'eau qui ruisselle en cataractes par tous les dalots. A quatre reprises Caramel se relève un peu groggy, la vitesse au moteur est presque nulle, mais nous restons face aux vagues. Le courant se charge seul de nous éjecter de la passe. Beurk, c'est un peu limite et surtout il n'y a pas de vent aujourd'hui. Avec un vent normal d'Est, on ne passait pas à cette heure de la marée.


Nous préparons notre entrée dans la passe de Norman Cay. Elle est assez franche mais étroite. Comme nous arrivons à marée montante, le flot laisse une mer calme et nous pouvons "lire" correctement les fonds. La particularité de Norman est cet avion bimoteur à hélices qui est posé le long du chenal mais sur le banc. Il est à peine enfoncé dans l'eau. Norman était le centre d'un trafic de drogue voilà bien des années. Le trafiquants poursuivis par la police ont du filer en vitesse sans avoir pu faire chauffer les moteurs et ils ne sont pas allés bien loin … C'est une des curiosités des Exumas. Les bateaux de passage mouillent dans la passe devant l'avion.


Il fallait évidemment fixer cela sur la pellicule. Un instant de pilote automatique pour filmer et photographier la curieuse image d'un avion posé sur l'eau. La caméra reposée, une brève vibration parcourt la coque de Caramel, suivie rapidement d'une autre plus intense et de … l'arrêt. "Damned, on est échoué ! " . Juste devant l'avion, mais un peu trop à l'extérieur du chenal. Ce n'est pas grave, ce n'est que du sable. Le Captain porte une ancre à l'arrière avec l'annexe pour immobiliser le bateau, le temps de la remontée de l'eau avec la marée. Le courant est de plus de deux nœuds et il ne s'agit pas de continuer à monter sur le banc de sable, sous peine d'y rester.


Un petit tour sous l'eau en se tenant bien à l'échelle pour visualiser les fonds et voir quel est le chemin à prendre pour retrouver l'eau libre. C'est curieux, le courant forme de grandes ondulations de sable sur les bords du chenal, comme celles que nous avions vues sur notre sondeur-enregistreur au fond de l'Amazone. A trois mètres devant la quille, il n'y a plus qu'un mètre d'eau. No way, la seule solution sera la marche arrière. Une heure d'attente, quelques manœuvres et Caramel poursuit son chemin jusqu'à un mouillage près d'"Oé". Nous sommes invités à dîner et à boire pour oublier notre honte …


Nous profitons de ces moments de vacances où Caramel est mouillé dans de l'eau cristalline sur du sable blanc tellement clair qu'on a l'impression que l'on va s'échouer alors qu'il y a encore quatre mètres d'eau. Où le soleil chauffe nos corps et celui des couples de paille-en-queue qui piaillent dans le ciel au dessus de nous. Où nous poursuivons les gros barracudas en annexe. Bientôt ce sera l'arrivée à Nassau, puis la traversée du Grand Banc et du Gulf Stream vers la Floride, avant la traversée de l'Atlantique. Dans quelques jours, nous serons dans un autre état d'esprit : le retour.


D'ailleurs les éléments sont bien là pour nous le faire comprendre : au fur et à mesure de notre remontée, les mouettes sont de plus en plus nombreuses, les jours rallongent sérieusement (plus de 14 heures de clarté) et surtout il commence à faire plus frais. Il faut une couverture la nuit et un polo en soirée. Fini les grosses suées, même l'eau de mer devient pingre : plus que 25 degrés …


Allan's Cay est la dernière escale aux Exumas. Une île en forme de fer à cheval qui abrite une grande colonie d'iguane. Ils forment une curiosité qui déplace les touristes.


Ces derniers les nourrissent sur la plage avec leur propre nourriture : des chips. Ces reptiles quasi préhistoriques se ruent sur le moindre être humain, associé à la nourriture.


Il faudra faire un check-up du taux de cholestérol des bestiaux si on veut garder la communauté d'iguanes en vie.

















Une dernière plongée dans les coraux, Catherine chalute avec son maillot une vingtaine de petites méduses brunes. Si elles sont inoffensives en eau libre, une fois collées dans le maillot, elles brûlent la peau. Heureusement c'est impressionnant mais pas douloureux.


Cap sur Nassau, la capitale des Bahamas. Trente milles pour traverser le banc des Exumas et contourner Yellow bank, mais c'est sans difficultés et il y a toujours au moins 4 mètres d'eau. Nous prenons place dans la première marina (c'est un bien grand mot) sur le grand canal qui sépare les deux îles hébergeant la ville.


On a mal calculé notre coup, on est dimanche de Pâques et demain c'est lundi … de Pâques. Pas un chat en ville et les magasins seront également fermés demain. Pratique pour faire quelques photos devant des bâtiments bien dégagés.


Nous mettons notre séjour à profit pour visiter le complexe hôtelier Atlantis sur Paradise Island, l'île nord de la ville. Deux mille trois cents chambres dans un complexe dédié à l'Atlantide, le continent perdu.


La décoration est un show. La fantaisie des décorateurs s'est déchaînée, coquillages, animaux marins, humanoïdes aquatiques sont dans tous les dessins, peintures et surtout sculptures qui tapissent les milliers de mètres carrés des bâtiments. Tapis et carrelages sont des allégories nautiques. 


L'architecture n'est pas en reste, colonnades et fruits de mer géants chapeautent les façades. Les jardins sont parsemés de lagons artificiels, de piscines océaniques, de grottes mystérieuses, etc … Une marina est incluse dans le complexe. Ici pas de place pour Caramel, c'est une clientèle exclusive qui y réside, le temps d'un week-end sur leurs méga-yachts. En dessous de 30 m on est riquiqui, au-delà de 40 m on est dans la moyenne. A 10 $/mètre/nuit, il vaut mieux ne pas devoir compter…


Mais nous sommes surtout venus ici pour visiter un des plus grands complexes d'aquariums du monde. L'intégration des bassins dans les bâtiments est totale, depuis les terrasses, on plonge le regard sur les raies et les requins, depuis les tables d'un superbe restaurant, on déjeune en compagnie des mérous et des poissons-perroquets.


Un délice pour les yeux. Catherine à l'occasion de voir tous les poissons de coraux qu'elle n'a pas vu. Les animaux sont de grandes tailles et en bonne santé. Il y a même une raie-manta et un poisson scie. De plus petits bassins permanent d'observer les petits animaux dont les hippocampes ou très particuliers comme les méduses.


























Il ne faut pas moins de une heure trente pour circuler dans les méandres des aquariums qui ont également hérité d'un grand choix de ruines et vestiges de … l'Atlantide.


Deux jours suffisent à la visite de Nassau qui n'est pas vraiment une ville attachante. Nous ne la quittons pas sans un moment de stress, au passage des deux ponts : seulement 60 centimètres au-dessus des antennes du grand mât de Caramel et le tablier du pont. Vu de dessous, on a toujours la certitude que ça ne passera pas …


Une dernière descente à terre aux Bahamas : Berry's Island, terre d'accueil de nombreux immigrés du centre de la France, déportés au 18ème siècle par les anglais, lors de la conquête des vignobles de Sancerre (non, c'est une blague …)


Suit la traversée du grand banc des Bahamas, 80 milles de désert liquide, seulement parsemés de quelques piquets supportant une loupiote, histoire de guider les navigateurs en panne de GPS. Une grosse journée de route au moteur par 4 mètres de fonds en moyenne : rasoir !


Bimini est notre dernier mouillage bahamien, on ne descend pas car il est tard et que nous partons tôt demain pour traverser le Détroit de Floride et le fameux Gulf Stream.


***


Dans le guide nautique, une formule est donnée pour calculer un cap permettant de compenser le courant de ce grand fleuve marin qu'est le Gulf Stream. Large de 20 milles, il déplace son eau à plus de 4 nœuds en direction du Nord et jusqu'à l'Europe.


Ce jour là, il était las. On est presque arrivé à Miami alors que l'on devait atteindre Fort Lauderdale … Bref quelques corrections de barre durant la traversée des 50 milles du détroit dessinent une jolie et inutile trajectoire courbe sur le fond de l'océan et sur notre carte électronique.


La côte de Floride est un peu surprenante, elle ressemble à la côte belge entre Zeebrugge et La Panne, mais en plus grand. Une même succession d'immeubles hauts sans arrière plan. Une bande de sable sur l'horizon avec des blocs posés dessus : moche.


Evidemment, au fur et à mesure de l'approche, la différence d'échelle se fait sentir. La taille des immeubles est grande, le trafic des bateaux également. Les vacations radio sur le canal 16 VHF sont incessantes.


Un bateau s'approche de nous, tout blanc avec une large bande rouge en diagonale : "Cost Guards". Une petite annexe rouge s'en détache, quatre hommes à bord. Une visite de courtoisie et de contrôle. Ils grimpent à bord avec souplesse et font un rapide tour des cales, pour détecter un éventuel commerce interlope. Ils repartent avec amabilité.


Caramel pénètre dans le chenal de Port Everglades (Fort Lauderdale) et remonte sur quelques milles l'Intracoastal Waterway local. En fait, nous progressons vers le centre de la ville, en croisant un nombre incroyable de méga-yachts. Nous rejoignons notre camarade Gérard et son «Pitanga», rencontré à Fortaleza au Brésil et qui est ici depuis un an. La marina est bien protégée, même si l'amarrage est un peu léger.


Grâce à la gentillesse de Gérard, nous expédions rapidement les formalités administratives et portuaires. Nous rencontrons la petite communauté des yachties de la marina : français, belges, canadiens, allemands et américains nous souhaitent la bienvenue.


Caramel est planqué sous les palmiers et les perroquets verts, les cordons ombilicaux raccordés au quai : électricité, TV, eau, téléphone et même le suce-poupou, car aux USA, pas question de rejeter ses eaux noires à l'eau.


Fort Lauderdale est une ville satellite de Miami qui a largement pris un essor indépendant. Pour nous, européens, il est un peu étonnant de constater l'étalage des richesses dans la ville, on n'y est pas habitué. Villas somptueuses avec yacht amarré devant et garage plein de voitures de prestige signifient ici une réussite sociale qu'il est de bon ton de montrer et non de cacher.


L'ambiance est bon enfant et décontractée. Caramel sera bien ici, le temps pour nous de faire un retour en Europe, que nous espérons le plus court possible, il y a beaucoup de choses à faire par ici.


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Waterfront Marina - Fort Lauderdale sous les éclairs et une pluie d'orage - 25 avril 2003






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