France à St.Thomas

Voyage 2001 - 2003

de Caramel

CHAPITRE 14 : PUERTO LA CRUZ - LA BLANQUILLA - ST.CROIX - ST. JOHN - ST. THOMAS - CULEBRA - CULEBRITA - VIEQUES - PUERTO RICO


Nous préparons Caramel à sa dernière grande étape avant la fin de l'année : la remontée vers les Grandes Antilles au nord de la mer des Caraïbes. Nous devrions normalement atteindre Puerto Rico et y laisser le bateau quelques semaines pour revenir en Europe avant Noël.


La traversée de la mer des Caraïbes met le Captain un peu mal à l'aise : 500 milles plein nord, avec un vent d'E à NE et un courant latéral d'E. Nous projetons de faire du près serré et d'arriver là où le vent et le courant daignent nous pousser !


Nous diminuons la distance de traversée directe en faisant une escale à l'est de Margarita et une escale à La Blanquilla: plus que 400 milles à courir.


La Blanquilla est l'île vénézuélienne la plus nord, donc plus au large. Délicieux espace sauvage que nous partageons avec une dizaine de bateaux qui naviguent en direction de l'ouest.


Nous passons 24 heures de plongée et de promenades sur cette île parsemée de longs cactus. Au milieu du ruban blanc de la plage : deux palmiers esseulés qui donnent toute l'atmosphère tropicale à cet endroit peu fréquenté. Le mouillage est étonnamment calme et peu rouleur à l'ouest de l'île. Jacqueline, Catherine et le Captain font une belle excursion à pied dans la végétation aride de l'île, mais gare à ces petites boules hérissées de picots de certaines herbacées, elles se plantent dans la peau et il est difficile de les extraire.


C'est le grand jour, on largue le mouillage tôt le matin et Caramel s'élance plein nord à l'assaut de la mer des Caraïbes. Nous sommes chanceux, le vent est bien Est et curieusement nous avons un courant légèrement portant d'un demi noeud. Celui-ci n'était pas au programme et nous nous demandons bien d'où il vient, mais Maître GPS nous le certifie. Le bon plein est une allure que Caramel aime bien. Calé sur bâbord, quinze à vingt noeuds établis, l'étrave coupe les vagues avec aisance. Le speedo descend rarement en dessous de 7 nœuds.


Le Captain établit les tours de quart pour la nuit. Jacqueline qui n'a jamais fait de navigation de nuit s'applique très sérieusement, elle réveille même Catherine lorsqu'un cargo passe bien au large. Le plus surprenant, c'est sa capacité à dormir dans la cabine avant, car les "montagnes russes" de l'étrave doivent parfois la laisser en état d'apesanteur au-dessus de sa couchette …


Quarante-huit heures de navigation à un cap meilleur qu'espéré et voici Sainte Croix qui se dessine dans l'ouate matinale juste au-dessus de l'étrave. Située à 40 milles au sud de St Tomas et St John, elles forment ensemble les îles vierges américaines (USVI). Ces îles ont été rachetées à la Couronne danoise par les USA, fin 19ème.


Au fur et à mesure de notre approche, nous apercevons plus distinctement la côte sud de l'île et son immense raffinerie. C'est une des plus grandes du monde, elle occupe presque un quart de l'île. Le statut franc des USVI a dû attirer un pétrolier US. La moitié du pétrole traité dans cette usine provient du Venezuela. Pas de chance, une grève générale vient d'être décrétée au Venezuela et à l'heure ou nous écrivons ces lignes, soit deux mois plus tard, la grève dans le secteur pétrolier est toujours en cours, la pression est maintenue pour évincer le président populiste et dictateur Chavez. L'économie de ce riche pays tombe en déliquescence : un comble.


Christiansted, la ville au creux de Gallows Bay nous accueille vers midi. Une petite marina est située derrière une chicane de corail. Alors que le Captain regarde la carte et que Jacqueline tient la barre pour pénétrer dans la passe, Catherine aperçoit à l'autre extrémité de la courte passe, un petit cargo que nous n'avions pas vu venir. Un coup de corne de brume de sa part, on ne discute pas, marche arrière toute, même sans connaître le règlement pour prévenir des abordages en mer, …il a priorité !


Petite marina familiale et privée, toute de bois, adossée à un petit chantier d'entretien et un shipchandler. Le sympathique Martin Oliver est anglais et dirige l'entreprise. Il parle le français. Nous discutons des modalités pour laisser Caramel durant notre retour en Europe. En comparaison avec les prix que nous avions de Puerto Rico et de la République Dominicaine, les prix sont sensiblement identiques (c'est à dire chers !).


Finalement nous prenons l'option de le sortir de l'eau pendant notre absence pour lui donner une nouvelle couche d'antifouling (déjà). En effet, Caramel doit être propre jusqu'à l'été et le dernier carénage fait à Trinidad en janvier ne permettait pas de tenir jusque là en naviguant dans les eaux tropicales.


Au milieu du chantier, trône une terrasse avec vue sur Gallows Bay. Matin, midi et soir, elle est pleine de gens d'ici et d'ailleurs qui viennent s'y rassasier. L'ambiance est bon enfant. Nous serons expressément conviés à fêter avec eux Thanksgiving, cher au cœur des Américains. C'est notre premier Thanksgiving.


Cette tradition historique et religieuse remonte au temps des premiers pèlerins qui colonisèrent le continent. Ayant réchappé à un hiver particulièrement rigoureux, ceux-ci se virent gratifiés ensuite d'une récolte abondante. En signe de remerciement au Seigneur, William Bradford, qui gouvernait la colonie de Plymouth, décida la proclamation de Thanksgiving à l'automne 1621. Durant trois jours, les pèlerins festoyèrent de dindes sauvages et de gibier avec leurs hôtes indiens. Thanksgiving fut ensuite célébré sporadiquement jusqu'à ce que, le 26 novembre 1789, le président Washington le décrète fête nationale.


Sur ces bonnes paroles et tapant là nos accords, nous filons vers le nord découvrir St John et St Thomas avec Jacqueline. Une journée de mer nous amène dans la perle des Caraïbes : St John. Qu'en dire ? C'est une île assez préservée de la pression immobilière (pas comme St Thomas), et crénelée à souhait en de nombreuses baies sous le vent. Sa grande sœur anglaise Tortola, juste au vent la protège maternellement de la houle du large.


Tout est propre, c'est un parc naturel, les coraux poussent partout, les poissons tout en n'étant pas de grandes tailles sont nombreux, variés et surtout peu farouches puisqu'ils ne sont pas pêchés. Pour ne pas abîmer le corail, le service du parc à installé des corps-morts (cordage d'amarrage sur un bloc de béton au fond de l'eau) en suffisance dans les baies. Très américanisé nous direz-vous ! Oui, en effet, il y a surtout des bateaux américains, mais précisons également que nous n'avons jamais été nombreux dans les mouillages. Leister Bay, Francis Bay, Hawknest Bay ou Great St James sont des bijoux que nous avons grandement appréciés. Tout comme les langoustes que Jackie D nous a invité à manger au superbe Caneel Bay Hôtel, le meilleur restaurant de l'île.


St Thomas est une escale hors norme : la baie de Charlotte-Amalie est sale, le mouillage rouleur et bruyant mais chaque jour, à la fine pointe de l'aube, se pointent entre trois et cinq grands paquebots de passagers. Ces mastodontes d'acier rivalisent de confort et transportent chacun 3000 passagers plus 1500 membres d'équipage. Ce sont donc plus de 10.000 touristes américains qui se jettent tous les jours dans la rue principale de Charlotte-Amalie, Jewels street !


Catherine est du lot, durant toute une après-midi, elle arpente avec notre amie Jackie D les boutiques. Une débauche de diamants, de rubis, d'émeraudes, de tanzanites et autres jolies pierres de couleurs. L'indigestion était inévitable à la fin de l'après-midi !


Jacqueline prend son avion à St Thomas, et nous nous en retournons mollement vers St. Croix (ici on dit sint croy), en repassant dans les plus belles baies de St.John.


Comme convenu le bateau est levé et calé par Martin Oliver qui n'a pas peur de se mouiller personnellement pour s'assurer du bon emplacement des sangles sous la coque. Un peu de ménage et Caramel est prêt à passer Noël - Nouvel An en orphelin. Nous le rassurons de notre retour proche, et pour le lui prouver, nous confions notre stock de surgelés au grand congélo du bistrot du chantier.


Vingt-sept heures et trois vols plus tard (beurk), nous sommes enfin rendus dans nos pays de naissance, en même temps que la première offensive du gel. Quelle chance !


Ce long retour de cinq semaines dans nos pays nous permet d'avoir l'immense plaisir de revoir famille et amis, mais cela ne facilite pas le retour au bateau. Surtout que c'est le dernier retour avant la fin du tour de l'Atlantique, toute une série de mesures doivent se prendre pour retrouver une situation domestique et professionnelle au retour. Il faut constater que nous avons un peu de mal à nous remettre la tête dans la croisière, une fois revenus à bord de Caramel.


Martin Oliver a bien travaillé, la coque est proprement carénée et fait exceptionnel, la facture est finalement moins élevée que prévu initialement. Super ! Nous avons également ramené des chocolats belges pour les dames du bar qui ont gentiment gardé nos surgelés.


Encore une chance que nous ayons pu les amener jusqu'ici, car la douane américaine ne plaisante plus avec les contrôles, elle panique ! Vers l'Europe, nous avons été fouillés quatre fois de suite dans l'aéroport de St Croix, des contrôles redondants faits avec une efficacité très aléatoire. "You have been selected" they said …


Catherine voit son stylo porte-plume confisqué par une dame de la fouille. Bon quel est le problème ? Ce n'est pas autorisé ! Ah, vous confisquez donc tous les stylos plume de vos passagers ? Non, mais celui-ci est particulier ! Quelle est sa particularité ? Le corps du stylo est très allongé (c'est un stylo de calligraphie Rotring) ! D'accord, mais cela ne représente tout de même pas une arme, pourrait-on voir votre chef ?


Le chef arrive et nous ressort le même laïus. Mais que faire alors lui demande-t-on.


"Il y a trois possibilités : 1- on détruit le stylo; 2- vous vous le postez, mais il n'y a pas de poste dans cet aéroport, alors on le détruit ; 3- on le confie à l'équipage de l'avion, mais ils ne veulent pas le prendre, donc on le détruit"


Raisonnement intéressant, mais agaçant, Catherine montre alors la lime à ongle qu'ils n'ont pas vue dans son sac à main et bien pire, la longue épine de bois dur qui tient ses cheveux remontés. "Et ceci" dit-elle à la chef inspectrice ? "Bon ça, on n'a pas vu donc vous pouvez les garder" Hallucinant !


Catherine demande à voir le grand chef sioux avec qui nous discutons et lui montre son badge Air France. Ce geste a le mérite de calmer les inquiétudes des gabelous. Le stylo est rendu. Abracadabrantesque comme disait le président.


Au retour vers les USVI, notre bouille avait eu l'heur de plaire à je ne sais qui, et nous sommes surclassés en Business class, avec des sièges à rallonge et de l'espace partout. Confort royal, une nuit de vol et de repos, avant d'affronter la douane américaine à l'arrivée.


"C'est quoi ça ?" demande la douanière qui avait soigneusement vidé le bagage de cabine du Captain. Son doigt pointe énergiquement sur l'étiquette rouge placée sur le dos de l'émetteur-récepteur marin que nous avions fait dépanner en France. Sur l'étiquette se trouvent les mises en garde électrique de l'appareil, en anglais et en … japonais. Elle avait pris le japonais pour de l'arabe et derechef appelé son chef ! Heureusement, le chef avait déjà vu un émetteur et des caractères japonais. Mais il nous dit que c'est interdit de transporter ce type d'appareil. Bardaf, c'est l'embardée !


Explications : à l'aller, on ne nous a rien dit sur la même compagnie, il s'agit d'un appareil de sécurité et de communication pour un voilier qui va traverser l'Atlantique, etc… Après des palabres africaines, il accepte de laisser passer l'appareil pourvu qu'il soit minutieusement passé au détecteur d'explosif. Là, on était à l'aise et on soufflait. Une petite main passe un bout de tissu sur pédoncule tout autour de notre radio, puis met la chiffonnette dans un appareil de lecture : "Résultat négatif, circulez !".


* * *


Deux jours de menus bricolages et Caramel se retrouve sous les sangles en route depuis le terrain vers le quai de mise à l'eau. "STOP" crie un des manutentionnaires alors que la coque se trouve presque au-dessus de l'eau. Interloqués, nous nous rapprochons. Un petit lézard fait la sieste sur les ailettes de la quille et allait se noyer sans l'aimable obligeance d'un copain humain ! Il retrouve son élément naturel et Caramel le sien. Nous le briquons pour recevoir nos camarades restaurateurs, Eliane et Paul-Emile qui arrivent lundi.


Lors d'un lunch à la terrasse du chantier, nous rencontrons à la table voisine un couple dont lui est ancien plongeur américain de l'équipe Cousteau, il a notamment participé à la mission sur le Mississipi. Durant une heure, nous discutons de ces films qui nous ont tant fait rêver et de la famille Cousteau. Nous lui expliquons où se trouve La Calypso à La Rochelle. Après Antarctica sur l'Amazone, c'est sympa de croiser le sillage de la Calypso.


Nous nous présentons avant de partir au cuisine du bistrot du chantier pour récupérer nos surgelés dont nos délicieux filets purs vénézuéliens. Après quelques minutes, le chef se présente, bougon : "J'ai jeté vos surgelés, ils encombraient mon congélateur. Rien à foutre. Savais même pas quand vous rentriez. Allez, du vent". Nous avons réclamé nos chocolats belges en retour aux barmaids, mais elles se sont défilées. Bande de chacals !


* * *


Cap au nord, c'est une nouvelle tournée des beaux coins de St John que nous offrons à Paul et Eliane, après un premier mouillage à Buck Island où nous ne trouverons que la houle et pas le fameux spot de plongée, célèbre dans tout le nord des Antilles. Sur la plage, Paul contemple les petits requins nourrices qui nagent dans 30 cm d'eau … Catherine hésite à se mettre à l'eau !


En cette fin janvier, il y a un peu plus de monde qu'en décembre, mais les mouillages sont loin d'être saturés. En revanche les USVI sont en cette saison le rendez-vous des méga-yachts, tant à voiles qu'à moteurs. Quelques photos ci-contre pour vous en mettre plein les yeux, comme nous l'avons été. C'est super de voir que des gens dépensent des fortunes pour le plaisir des yeux des autres. Grâce à leur passion et leur moyens, de superbes yachts naissent et naviguent. Le Captain ne se lasse pas de les admirer, mais les posséder : quel cauchemar !


Les tortues à écailles sont quant à elles, beaucoup plus nombreuses en cette saison. A Francis Bay, Nous en observons plusieurs sur un herbier par deux mètres d'eau. Une grosse se laisse surprendre et avant de pouvoir filer, elle est fermement maintenue par le Captain. Catherine les voit s'envoler sous l'eau, tirés par les nageoires antérieures du chélonien. Pourquoi ce placide animal était-il le symbole du mal pour les Romains ?


Mais les tropiques, c'est aussi la pluie et les grains. La dernière quinzaine de janvier est bien agitée et trempée. Nous sommes de retour à la marina de St Thomas pour déposer nos copains à l'hydro - aéroport, nous y restons deux jours de plus en attendant la fin des débats entre la pluie et le vent.


Entre deux averses, nous allons à l'Internet-café, si toutefois le serveur de l'île daigne fonctionner (il n'aime probablement pas la pluie !). L'opérateur du Cyber café est un noir camerounais, avec qui nous parlons français. Sa collègue afro-américaine l'entendant nous parler, lui demande en anglais : "Tu as parlé africain avec eux ?" et lui de s'esclaffer : "Oui-oui, c'est du français mon amie !". La culture américaine vient de faire un bond en avant. En règle générale, il est surprenant de voir le peu d'instruction des gens de la rue, en dehors de leur petit cercle de vie. Un serveur de bistrot qui regarde un match de tennis à la télé ne connaît même pas sa compatriote Davenport ! Mais avouons que nous ne connaissons rien au base-ball. La Belgique est encore parfois méconnue, mais je crains fort que la France soit connue sous peu de tous les américains, si Chirac exerce un certain droit de véto ...


Ce 5 janvier 2003, nous quittons la baie de Charlotte-Amalie, capitale de St.Thomas. Adieu la zone franche des USVI et bonjour Puerto Rico, territoire douanier américain. Le douanier du minuscule aéroport de Culebra, île satellite de Puerto Rico retient le Captain durant une heure, pour remplir les 5 formulaires destinés à un cargo qui ne viendra jamais sur cette île dépourvue de port, puis le félicite longuement d'avoir eu la chance de le rencontrer. Grâce à lui Caramel a un permis de navigation américain valable jusqu'au 30 juin (la loi l'autorise à faire un permis d'un an !). Le Captain reste stoïque, aimable, ce qui lui demande beaucoup d'efforts dans ces cas là. Un plaisancier anglais mouillé dans la baie près de nous confirme que nous avons eu en effet beaucoup de chance : le douanier était présent ...


Enfin, muni du sésame officiel, nous nous baladons dans Dewey, capitale de la petite île de Culebra. Le changement par rapport à Charlotte-Amalie, est tranchant : 6 rues goudronnées, dont une vers l'aéroport. C'est ici vraiment la campagne. La devise de l'île est : "Un endroit où une poule et ses poussins peuvent encore traverser la route en sécurité". Nous avons observé la chose à deux reprises et force est de constater que les poules ont tout de même intérêt à regarder à gauche et à droite avant de foncer vers l'autre bord de la route. Mais il y a toujours beaucoup de poules et de poussins, pour l'instant.


Vendredi, nous quittons notre mouillage pour embouquer, contre vent et courant, le chenal entre la côte de l'île et le récif de corail. Ceci pour gagner Culebrita, adorable îlot et réserve naturelle. Un œil sur la carte, le second sur le sondeur, le troisième sur la couleur de l'eau devant nous et le quatrième sur l'horizon, un gymkhana entre les pâtés de coraux (beurk) nous pousse dans une baie en fer à cheval, où seulement 5 bateaux peuvent prendre un corps-mort (mouillage interdit). Nous ne sommes que 2 voiliers dans cette goutte de paradis, plantés à quelques mètres de la plage et du banc de corail.


Principale attraction locale : les tortues à écailles, elles nagent en surface dans la baie. Nous les observons depuis Caramel aux jumelles. Cet endroit est parfait pour elles : baie en partie ouverte sur le large, fond de sable où poussent des prairies d'herbes tendres et vertes qu'elles aiment brouter placidement. Ce n'est pas encore la saison de la ponte, ce sera le rush dans deux mois. Nous les observons également depuis l'annexe, couchés en travers des boudins, le tête sous l'eau et les fesses en l'air …


Catherine se met de plus en plus au snorkeling (plongée libre). Elle craint malheureusement de plus en plus les sharks (requins). Mais aujourd'hui, c'est une belle plongée, nous avons vu plusieurs tortues, cinq petites langoustes sous un rochers et de grands bancs de chirurgiens bleus clairs.


Une balade nous emmène à terre, au travers du taillis de cactus et d'épineux, en direction du phare en ruine, La vue est superbe. On voit une partie des USVI, Puerto Rico, Vieques et surtout la baie de Culebrita et Caramel. Une large variété des bleu de la mer rivalise avec les vert et jaune des collines de l'île. Quelques belles photos pour le site Internet de Caramel.


La descente vers la plage nous offre une rencontre pour le moins inattendue : un faon et sa mère se figent à notre rencontre au détour d'un virage du sentier. Le temps de faire une photo et zou la famille décampe ! Que font ces animaux sur l'île ? Ils ont certainement été apportés par l'homme, mais pour quelles raisons, ce n'est pas du tout leur habitat naturel.


Le soir nous cherchons en vain au spotlight des têtes de tortues autour de nous. L'alizé s'est fait timide, il n'est plus qu'une douce caresse sur la peau. La nuit s'annonce calme. Bonne soirée de lecture en perspective. Lecture d’«Imprimatur» au son du Concerto pour 2 flûtes de Wolfgang A. «Mouse Art». Whaooow, Great !


* * *


Le NAVTEX est un récepteur automatique de messages aux navigateurs. On peut y lire des bulletins météo et tous avis concernant la navigation locale. Ce matin un long message nous informe que l'US Navy va procéder à des exercices militaires sur les 2/3 de l'île Vieques dont ils détiennent la propriété suite à un imbroglio politique vieux de plus de 100 ans. Vieques est comme Culebra une île satellite à l'est de Puerto Rico.


Nous faisons donc un grand détour au large de l'île pour arriver à Puerto Real dans son sud. Le ciel est toujours plombé pour donner bonne mesure aux exercices de tirs annoncés. Mais c'est seulement sous un déluge de pluie que nous mouillons dans l'abri très relatif de la baie. Finalement nous n'entendrons rien des manoeuvres annoncées et l'ambiance du village nous a plutôt donné le blues … Nous remontons dans l'annexe sous un panneau placé par la population locale : "Aux Vieques : 27% de cancer en plus de la moyenne nationale. Les militaires hors des Vieques". Ambiance !


Zou, on se casse. En avant sur Puerto Rico. Ici c'est les USA, mais sans les américains ... Les Portoricains sont avant tout des latins et la langue usuelle est l'espagnol. L'île a été donnée en dommage de guerre par les Espagnols lors de la guerre Hispano-américaine de la fin du 19ème siècle. Dans les magasins, souvent seul le boss parle anglais. Même les jeunes le parlent peu.


Nous accostons dans la marina de Puerto del Rey. C'est la plus grande marina des Antilles : près de 900 places dont 80% de bateaux à moteurs. La marina est tellement grande qu'un service de voiturettes de golf avec petite remorque, permet aux usagés de se rendre à leur bateau depuis la réception et de transporter les avitaillements.


Nous sommes raccordés à l'eau, à l'électricité et ... à la télédistribution. Nous aurions également pu nous brancher sur le raccordement téléphonique de notre borne de quai ! Ceci nous a permis de suivre sur CNN les évènements de ces derniers jours sur la "possible" guerre du Golfe II et les manifestations des opposants à travers le monde, ce week-end.


Les Portoricains sont également concernés : 2500 gardes civils ont été envoyés la semaine dernière pour assurer la sécurité des installations de guerre US au Moyen-Orient.


Ici comme aux USA, pas possible de bouger sans auto, mais plusieurs loueurs nous attendent dans l'enceinte de la Marina. Nous profitons de la sécurité offerte à Caramel dans ce port pour nous évader et visiter la magnifique vieille ville de San Juan. C'est un bel exemple d'architecture coloniale espagnole conservée. Patrimoine mondial de l'Unesco et un Trésor de l'Humanité : rien que ça !


Logiquement bâti au bout de la presqu'île fortifiée de San Juan, le fort El Morro est le témoin de 500 ans d'Histoire coloniale. Pour lui donner plus d'austérité, il jouxte un cimetière au ras de la falaise. De nombreux notables de l'Histoire de la ville y reposent sous des sépultures très artistiques.


Le palais du Gouverneur est toujours en fonction depuis près de 500 ans. C'est paraît-il un record mondial. Dans les rues étroites, se pressent des maisons un peu "tarte à la crème". Des guides touristiques «positionnés» attendent à chaque coin de rue les questions des touristes. La police est bien en vue, afin de dissuader tout mécréant. Seuls les panneaux d'interdiction de stationner ne sont pas très clairs. Rontudjûûû, 25 $ d'amende.


Le shopping est incroyable, même à Puerto Rico. Les grands centres commerciaux rivalisent de vitrines alléchantes et de magasins regorgeant de marchandises. En plus, c'est une semaine de solde (Presidents days). Si tout est assez cher aux USA pour nous européens, les vêtements en revanche, sont très abordables et nous faisons quelques emplettes pour le prochain été.


Nous profitons d'une après-midi un peu moins pluvieuse pour grimper en montagne et visiter le seul parc national américain couvrant la forêt vierge. L'arbre le plus étonnant est la fougère arborescente. Il y en a des milliers parfois haute de 15 mètres.


Nous serions bien restés quelques jours de plus à la Marina, mais il faut avancer et ce 17 février, Caramel descend sous un alizé musclé et avec des creux de plus de 4 m, jusqu'à la "Boca de Inferno", au milieu du sud de Puerto Rico. Retour à la nature, nous pénétrons dans un "trou à cyclone" : Jobos. C'est un grand lagon envahi par la mangrove, dont on peut pénétrer les méandres pour se protéger de la mer en cas d'ouragan durant les mois d'été.


Nous mouillons seuls dans un méandre plat comme un lac, seulement ventilé par le sieur Alizé. Décidément Caramel est à son affaire lorsqu'il est bordé de palétuviers. Les moustiques ont l'extrême obligeance de nous oublier, les trombes d'eau de la nuit les ont peut-être noyés ! Nous passons une première nuit tellement réparatrice que nous décidons d'en goûter une seconde. Un grand catamaran canadien vient également mouiller sur le plan d'eau. Sa grosse annexe à l'avant nous intrigue. Elle est couverte par une bâche, mais la forme générale est bizarre. Un coup d'œil aux jumelles : c'est une voiture ! Pratique, mais pas évident de la mettre à terre aux étapes.


Dans le guide nautique, il est indiqué que Jobos est l'habitat de lamantins. Deux cent cinquante individus y vivent. Nous n'en verrons malheureusement pas, mais tout n'est pas perdu. Catherine a envie de marcher un peu et nous poussons Caramel à 2 milles de là vers la baie de Salinas. Une petite marina de bois est nichée au fond de la anse en forme de doigt. Nous mouillons d'abord parmi une vingtaine de voiliers et nous nous rendons sur les lieux en annexe pour voir si une place est disponible. On nous indique un emplacement dont l'espace pour faire passer Caramel entre les 2 poteaux d'amarrage est un peu étroit. Le vent est trop fort (25 à 30 noeuds) durant la journée pour exécuter cette manoeuvre de précision et c'est le lendemain à 06 heures avant l'éveil de l'Alizé que nous nous rendons à la place attribuée ... en écartant les piliers de bois pour y faire entrer Caramel comme un suppositoire !


Notre état d'esprit change depuis un peu plus d'un mois. Nous commençons à comprendre les Yachties de longue date qui restent longtemps au même endroit et mettent des années à parcourir quelques centaines de kilomètres ! Les mouillages rouleurs entre deux bordées de voile, on a déjà donné. Nous recherchons maintenant des endroits confortables, où l'on se sent bien et si possible avec un peu d'activité humaine à faible distance.


Salinas, c'est vraiment sympa. Nous nous y trouvons bien immédiatement. Ambiance très sud-américaine, plein de terrasses sur la rive de la baie. Un excellent shipchandler à 300 m et la petite ville à 2 kms. Nous avons de la chance, je trouve enfin les batteries ad-hoc pour remplacer celles d'origine qui donnent les premiers signes de faiblesse. La fin de semaine est chargée par des bricolages divers.


Nous faisons des rencontres très variées, Patrick un militaire qui nous prend en stop pour aller à la ville. Steve, un anglais qui s'est arrêté ici voici 5 ans pour travailler dans les bateaux, Guillermo et Suzanna, un couple d'argentins adorables qui se sont également arrêtés ici il y a 13 ans avec leur voilier et ont ouvert un minuscule resto qu'ils gèrent avec un accueil tout à fait sud-am.


La ville grouille de militaires, Patrick explique que les officiers, dont il fait partie, sont venus organiser l'envoi des National Guards portoricains vers le Moyen-Orient. Guillermo nous raconte qu'il a servi un lunch au début de la semaine à un militaire. Ils se sont serrés la pince et le militaire lui a dit que ce serait peut-être son dernier bon repas avant son trépas au front d'Irak. La guerre commence à faire son chemin dans le quotidien des gens et cela glace le sang. D'après RFI, Bush, pressé par la saison chaude, devrait mettre ses plans à exécution dès début mars. Sauf miracle ...


Cela tombe bien, aujourd'hui, c'est dimanche, Catherine va essayer de trouver une église catholique, dans la jungle des temples sectaires et autres Assemblées de Dieu. Elle est porteuse d'un message pour le très Haut. Qu'Il fasse quelque chose, c'est urgent !


Lundi, Luis et Nancy, nos voisins de ponton portoricains, nous proposent de nous véhiculer dans la ville de Ponce, seconde ville de l'île. On y fait quelques courses et un peu de visite. Nous leur rendons la politesse en les invitant à visiter le bateau qu'ils admirent. Ils sont un peu tendus, leur fils cadet est soldat dans le Golfe Persique …


Le temps passe vite et bien agréablement. Nous faisons étinceler les inox, retouchons le marquage de l'annexe, lavons les housses, entretenons les moteurs, …


Margaret & Randy sont nos autres voisins. Américains, ils connaissent bien les Bahamas et nous renseignent longuement sur les possibilités de navigation sur le grand banc.


En effet, depuis 15 jours, au vu des informations très fraîches dont nous disposons et surtout de la distance encore à parcourir, nous avons pratiquement décidé de renoncer à pousser jusqu'à Cuba. Notre itinéraire s'en trouve changé et allégé. Ce sera la côte nord de la République Dominicaine, puis cap sur la Floride en traversant Turks & Caicos et les Bahamas. Jusqu'à nouvel ordre …


Nous allions quitter Salinas, quand un message de "Spicy Lady", notre amie anglaise de Trinidad, nous prévient de son arrivée imminente. Evidemment, on reste 24 heures de plus pour papoter et faire le point de nos voyages depuis 8 mois.


Cette fois on s'arrache, il faut avancer vers la République Dominicaine où nous attend Sophie dans une bonne semaine. En guise d'adieu, un couple de lamantins nous accompagne dans le goulet de sortie de la baie. Décidément Salinas, tu nous aura vraiment fait plaisir ! Adieu à tous et "safe sailing".


Suivent deux étapes assez quelconques de 25 milles mais la chaîne de montagnes qui borde tout le sud de l'île est vraiment magnifique. Nous voilà rendus sur la côte ouest.


Au fond d'une baie ourlée par une plage de cocotiers de 2 kilomètres : Boqueron. La station balnéaire est protégée de l'Alizé. Une quarantaine d'américains au mouillage, nous devons être les seuls "étrangers". On nous en avait dit beaucoup de bien, mais comme nous trouvons l'endroit assez peu cosy. Nous partons dès lundi faire nos formalités de sortie des USA à Mayaguez à 15 milles au nord, avant de traverser le Mona Passage vers la République Dominicaine, et de recommencer les formalités d'entrée dans le pays. Ras le bol des gabelous …


Caramel n'avait pas envie de quitter la Puerto Rico. Alors que nos papiers étaient faits et que nous lisions dans le bateau en attendant l'heure du départ. Notre ancre a chassé gentiment dans le sédiment peu dense du fond. Nous l'avons repris en main à 50 m de la plage par 2,20 m d'eau …


Merci Puerto Rico, tu nous as séduit.


Cap sur le Mona Passage et la République Dominicaine : Vamos Caramel !



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Seuls et secoués dans la petite Marina de Punta Cana (R.D.) - 08 mars 2003





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