Voyage 2001 - 2003

de Caramel

CHAPITRE 09 : SALVADOR DE BAHIA - RECIFE - FERNANDO DE NORONHA - FORTALEZA


- «Le premier Prix des concurrents étrangers est attribué à Biche des Mers"


Acclamation de l'assistance brésilienne et hourras amicaux et bruyants de nos copains du Rallye. La moustache du Capitaine régatier s'étire au-dessus de son grand sourire et ses yeux pétillent d'allégresse.


Ce 31 janvier, c'est la fête au Club house de la Marina, d'abord pour la remise des prix de la régate de samedi dernier où nous avons eu la chance de faire le meilleur résultat mais aussi pour nous tous, parce que le Club a mis les petits plats dans les grands.


Buffet bahianais servi en joli costume local : beignets de crevettes, boulettes de manioc, galettes de viande, brandade de poisson, beignets de tapioca et de coco sont des spécialités brésiliennes descendant de lointaines racines africaines.


Caïpirinha pour les étrangers, mais la bière est préférée par les Brésiliens. La remise des prix est longue, car il y a beaucoup de catégories de bateaux, le public est bavard et peu discipliné, à la brésilienne.


Le Rallye offre également quelques prix spéciaux (cad gag mais touchants) aux participants : le meilleur bateau pêcheur, la plus longue traversée de l'Atlantique, etc...


La percussion de Bahia entre en scène, un berimbau, trois tambours et le rythme lancinant démarre. La danse frénétique des mains qui battent la peau tendue des bongos s'accélère. Le son s'intensifie, se transforme en grondement cadencé.


On chauffe un peu la salle puis les danseurs arrivent. Quatre femmes miment des allégories sur le tempo, chacune en solo démontre la souplesse et la féminité de son corps, la rapidité de ses gestes. Les accoutrements sont légers et colorés, les maquillages extravagants, les peaux bronzées, les sourires charmeurs interpellent, les ...


Stop c'est fini, on se calme et passe à des choses beaucoup plus mâles.


Une demi douzaine de "danseurs" de capoeira déboulent. Cette danse est avant tout la démonstration d'un art martial africain venu avec les cargaisons de "bois d'ébène". C'est une technique de combat qui utilise surtout les pieds pour frapper fort et haut (la tête), elle a été interdite aux esclaves par leurs maîtres, mais elle a traversé les siècles. Son allure acrobatique se prête naturellement à une dissimulation sous le rythme syncopé et pratiquement hypnotique des tambours. Incroyable défi à la pesanteur, ces athlètes nous démontrent leur puissance, leur précision, leur légèreté. Les danses se pratiquent à deux, l'un essayant de toucher l'autre, qui s'esquive.


La vitesse et la répétition des mouvements rend cette pratique plutôt dangereuse. Imaginez une série de sauts périlleux avant et arrière, entrecoupés de pirouettes suivies d'attaques du pied vers la tête de l'adversaire à une vitesse telle que vos yeux ont vraiment du mal à voir le mouvement, le tout dans le roulement infernal des percussions. Vous en mettez trois paires comme cela au centre d'un cercle fermé par les spectateurs et naturellement, le cercle s'agrandit ... Pas folle la guêpe !


Il subsiste à Bahia beaucoup d'influences africaines et comme au Sénégal, la pratique religieuse est plutôt large d'esprit, elle incorpore beaucoup de croyances et de rites animistes. Le terreau est fertile et ici la religion catholique romaine se dilue en nombreux sous-courants plus ou moins sectaires. "Le troisième millénaire sera religieux ou ne sera pas" : d'accord du moment qu'il reste une petite place aux libres penseurs et à la liberté d'expression.


Justement c'est le 02 février, c'est la fête de "Iemanja", la déesse de la mer. Toute de blanc vêtue, une foule se rassemble vers 15 heures en dehors de la baie, sur la côte atlantique. Chacun a apporté un petit morceau de papier roulé sur lequel il a couché ses remerciements à la déesse et ses souhaits pour le futur, un petit bout miroir (ça, on n'a pas compris pourquoi) et des fleurs blanches.


De la baie arrivent des dizaines de bateaux de toutes tailles (un escorteur militaire, un remorqueur, des lanchas locales, de très nombreux bateaux à moteur, des voiliers). Caramel n'a pas voulu manquer ce rendez-vous annuel. Nous nous retrouvons à bord dans la baie avec nos amis Yves et Christine du SM Blue Marine, au milieu d'un capharnaüm nautique où les vagues ne jouent pas un rôle modérateur.


Nous ancrons un peu en arrière du peloton et observons. Sur la plage et les rues adjacentes, il y a plusieurs milliers de personnes, nous entendons des chants, les prédications sont relayées par haut-parleurs. Régulièrement une salve de pétards explose. Les plus petites embarcations recueillent sur la plage des paniers entiers de fleurs blanches, des figurines ex-voto, les billets et les miroirs. Sur la lancha voisine (goélette locale en bois), un groupe danse sur un rythme de tam-tam. En apothéose, un lâcher de ballons blancs et une pétarade sans fin.


Il est 18 heures, c'est le moment propice semble-t-il à la procession. Nous ne comprenons pas grand chose à l'étiquette de la cérémonie, mais comme tous les bateaux ont levé l'ancre, nous les suivons. Direction le large, oh pas bien loin, un mille à peine. Tôôôut : corne de brume du remorqueur, des milliers de fleurs et de messages sont mis à l'eau.


Chacun sur Caramel jette sa rose blanche en récitant mentalement son voeu. Le geste est joli, le moment un peu magique et dans l'enthousiasme général, on est tous devenu un peu animiste.


Caramel est content lui aussi, il est bien jeune et c'est sa première procession. Sous génois seul, il traverse le tapis de fleurs ondulant et déboule dans la baie avec son copain, le courant de marée.


Veillée d'armes à la Marina, demain c'est le départ pour les plus petits bateaux : cap sur Recife à 400 milles au nord.


Au briefing de 10 heures, la météo annoncée est moyenne : 15 à 20 noeuds dans le nez. Pour la direction, rien à faire en cette saison c'est toujours du Nordet, mais pour la force c'est un peu trop surtout que les fichiers des vents que quelques skippers d'entre nous ont pris sur l'Internet, indiquent un maintien de cette force pour trois jours avant de diminuer.


Probablement un peu par inconscience, sans se souvenir que le skipper prend seul la décision d'appareiller, que l'organisation du Rallye est un cadre et pas une ordonnance, le groupe s'en va.


Concert de corne de brume un peu chiche pour la demi douzaine de bateaux copains qui s'en vont ce matin vers le nord, vers Recife.


Dans l'après-midi, le vent monte et la mer, bon public, suit. A la vacation du soir, nous entendons les commentaires crispés de nos camarades secoués dans leurs shakers à voiles.


Le lendemain c'est normalement le départ des autres bateaux. Biche des Mers et Caramel annoncent ... qu'ils ne partent pas, suivis de tous les autres. Nos dernières prévisions donnent 20 noeuds (36 km/h) de vent du nord pour la journée. On a le temps de vaquer aux derniers préparatifs et d'écouter les copains dans la piaule. Le soir à la vacation, nous apprenons qu'ils sont toujours à la hauteur de Salvador, mais au large, après 36 heures de navigation.


Le courant permanent de plus d'un noeud portant au sud ajouté à une allure de près peu favorable aux bateaux chargés que nous avons, rend la progression difficile sur une mer très courte et désagréable.


Nous partons finalement le 05 février à 10 heures avec Augustin, un ami d'enfance de Catherine qui habite au Brésil avec sa famille. Le vent est nettement tombé, la mer est restée.


Pour pouvoir faire du chemin en ligne droite sans devoir tirer des bords carrés à cause du courant, nous mettons la grand voile, un bout de foc et le moteur. La routine s'installe vite à bord. Il y a vraiment un «après Atlantique», on sait comment le temps s'écoule et on prend le rythme dès le premier jour. Hop, une petite bonite pour le dîner du premier soir, dépecée par Augustin et aussitôt poêlée meunière.


Dormir est difficile, car nous sommes encore chahutés par ces courtaudes humides qui nous font face avec lourdeur. Le lendemain est le sosie de la veille, moyenne de route : 5 noeuds sur le fond pour plus de 7 noeuds en surface. Beurk et Catherine en a un peu marre ...


Récompense le troisième jour, le vent tourne au SE en fraîchissant et c'est le grand galop au vent de travers : 8 à 9 noeuds sur l'eau. La moyenne remonte, le moral aussi. On ne parle plus de pétanque sur la grand place de Port Grimaud et d'un petit studio rue du Fer à Cheval. Il fait beau et ça sent l'écurie. A la vacation du matin, nous entendons les premiers partis qui pensent arriver en fin de journée. Caramel fait son entrée de nuit à 04 heures dans le port de Recife. Cette dernière journée de voile plaisir efface presque les deux premières. Vive la mémoire sélective !


Le Cabanga Iate Club (prononcer Yatché Clubé pour paraître dans le coup) nous reçoit dans ses installations : piscine, fitness, Internet, bar et resto plein air, situation presque calme. Tout est mis en œuvre pour nous séduire. Nous rencontrons Emilio qui nous accompagnera sur le Rallye jusqu'à Cayenne et qui prendra en charge l'organisation Amazone avec Hamilton. Seul défaut : Emilio ne parle ni français, ni anglais. Notre excellent équipier Augustin est engagé de force par tous les bateaux pour jouer l'interprète. Rôle qu'il assume avec conscience, gentillesse et avec la classe aristocratique qui le caractérise.


C'est déjà samedi 09 février, ce soir c'est le départ des festivités du Carnaval, enfin la fin des faux départs et de début du vrai départ. Il faut être ici pour comprendre ce genre de choses. Heureusement pour contrebalancer cette fâcheuse tendance à la confusion, la fin du Carnaval n'est évidemment pas la fin des festivités. On arrête pas un TGV sur 200 mètres. On s'arrête par étapes, par petits coups de frein. A Recife, il faudra deux jours, à Olinda on en comptera bien cinq.


Et c'est Olinda qui retient notre première sortie, samedi après-midi. Catherine y est déjà venue, elle nous guide un peu dans cette ville coloniale portugaise bâtie sur une colline et classée patrimoine de l'Humanité. La ville est un peu bizarre sous son accoutrement de Mardi-gras. Le Carnaval est ici familial et populaire, on ne se sent pas en insécurité. Presque tous sont déguisés, toutes les extravagances sont permises. On fait dans le classique : homme de Cro-Magnon, robe de mariée, Dracula, capitaine, poupon langé ou simple loup. On tombe dans le mauvais goût achevé : Ben Laden, préservatif géant (mais c'est un peu chaud), dans le local : Indien (d'Amazone), seringueiro ou dans l'absolutisme : en maillot, oreilles de Mickey et tongues. Paillettes pour tout le monde.


Les familles ou les groupes d'amis se travestissent sur un même thème ce qui renforce l'effet. Imaginez un groupe de copains tous déguisés en contractuelles aubergines au maquillage criard, cela ne passe pas inaperçu !


Les "blocs" de corporations défilent dans les rues avec une fanfare à leur tête ou un groupe de percussion. Nous avons beaucoup aimé le style Maracatu : lourd rythme tribal de tambour. Les supporters du bloc suivent à pas serrés en dansant sur le rythme approprié. Grâce à Augustin qui interroge et traduit, nous apprenons beaucoup de choses sur le Carnaval brésilien.


Pas moyen de faire 100 mètres sans se faire asperger, les gamins jouent tous avec des riotguns à eau, ce qui est finalement assez agréable puisque nous approchons de l'équateur et que le soleil se fait de plus en plus brûlant. Olinda et ses charmantes maisons, ses jardinets, ses églises baroques sont peu visibles cette semaine : tout est fermé, on en garde un impression générale de retour dans le passé et d'une somptueuse vue sur Recife sa grande voisine distante de 5 kilomètres.


Catherine retourne chez une artiste peintre à qui elle avait déjà acheté des peintures sur tissu, voici plusieurs années. Son atelier est étonnant : une grande maison dont pratiquement tous les murs intérieurs sont ôtés, sauf une mezzanine qui plane à mi-hauteur et un atrium qui ventile délicieusement le volume. C'est un bon endroit pour regarder le passage des blocs et des badauds.


Fin de journée, nous redescendons de la colline. Observer est déjà un travail à part entière. Il se passe toujours quelque chose dans le champs visuel, ne fusse que le chaos des couleurs. C'est la période de préchauffage, le Roi du Carnaval ne sort que ce soir à minuit, ce sera l'ouverture officielle du Carnaval.


A Olinda c'est un peu spécial : le Grand Carnaval se sera dimanche, lundi et mardi, suivi des petits Carnavals, mercredi celui des pauvres, jeudi des chômeurs, vendredi on ne sait plus, samedi celui des fonctionnaires pour finir en beauté dimanche par le Carnaval de la Police. Mais qui surveille alors les rues ? Pas de problèmes nous répond-on, c'est le Carnaval le plus sûr de la région ...


Quelques brochettes de cochonnailles et une caïpirinha aux fruits, c'est le moment de s'éclipser. Par chance UN taxi en attente à la périphérie du quartier devenu piétonnier et hop retour au bateau en passant par la piscine.


Dimanche s'ouvre en grande pompe par un lâcher municipal de pluie "trombicale", histoire d'éclaircir les esprits et de dessaouler les morts. A midi, les watts déferlent sur la ville. Homme du silence, passe ton chemin, il n'y a pas de refuges pour toi à Recife City. No way, il faut y aller. Nous prenons un taxi commun : COMBI (ancien modèle de Combi VW, toujours produit ici). Rustique et adapté, il promène ses douze personnes aux limites du quartier réservé à la fête. Il faut encore marcher dix minutes avant de passer les barrières. Comme des fourmis chacun suit un ou une autre vers la grande concentration. Inimaginable, c'est le plus grand rassemblement festif sur terre : 1,5 millions de bipèdes (heureusement, ça prend nettement moins de place).


Augustin nous guide en posant des questions, on ne sait pas où on va ni ce qui se passe là où on est supposé aller. On entend de la musique, un bus "electricos" passe près de nous : travestis chamarrés en avant garde, un chanteur sur le toit, la tête presque coincée dans les câbles du tramway, l'orchestre sur la plate-forme intérieure, les baffles tout autour, le groupe électrogène à l'arrière et les fans qui suivent sur le pavé. Délirant.


Nous progressons vers la rue Bom Jesus (anciennement Rue des Juifs, une petite mise au point tardive probablement). Il se pourrait que ce soit le passage obligé des blocs de ce soir. La rue est engorgée, on se fraye un passage et décidons de nous asseoir à une table de bistrot. On paye pour la table (Carnaval oblige) et on commande ses boissons. Enfin un peu d'espace pour regarder le flot des participants. Mais peine perdue, dès le passage d'un bloc, tous se lèvent en dansant et chantant : ta dada dada didâââ dâ et ronflez les trombones.


Cela suffit pour ce soir, on rentre par les ruelles moins fréquentées. La police est partout par groupe de deux, hommes ou femmes, prête à veiller au grain. Elle est très respectée ici et souvent leur seul présence tacite régule les débordements éventuels.


C'est un festival d'odeur le Brésil surtout en période de carnaval, les marchands de maïs chaud, de brochettes de viande ou de fromage grillé, de pop corn alourdissent encore l'atmosphère humide, mais c'est tout de même plus agréable que les relents d'égout et d'urine que nous traversons en apnée (évidemment toujours une inspiration trop tard).


La journée de lundi est consacrée à essayer de trouver en vain un moyen de levage pour sortir le bateau de l'eau car les joints d'étanchéité à la sortie de l'arbre d'hélice se sont usés prématurément et nous avons de l'eau dans l'huile de la transmission d'arbre. Bref, 8 litres de bon chocolat au lait. Le chantier nous rassure, nous pourrons remonter jusqu'à Fortaleza et utiliser le moteur tel quel. Sympa un moteur qui tourne au chocolat.


La piscine nous réunit tous en fin d'après-midi sous les piaillements des petits oiseaux locaux, que l'on nomme ici les "je t'ai vu", car leur chant ressemble à cette phrase : Piipapa Piipapa (ouais, pas évident à faire comprendre). Augustin s'en retourne dans son Minas Gerais d'adoption. Merci encore pour toutes les connaissances du pays que tu nous as fait partager.


Mardi soir, c'est la grande fête de Carnaval, et nous retournons au centre ville pour notre dernière soirée Carnaval. Nous croisons des géants en cortège tels ceux de nos villes du nord, des romains, des infirmières, des clowns, des pompiers et une super escouade de jeunes filles en battle-dress version string ...


On trouve sur une place arborée une scène où se produisent des groupes de danse folklorique, nous déambulons dans les rues, suivons une formation de Maracatu, repassons devant la rue Bom Jesus.


Un coup de vent et une pluie torrentielle s'abat sur la ville, nous enfilons nos K-way, tandis que la foule hurle de joie et chante encore plus fort (ils sont fous ces brésiliens). Des passants saisissent les tables en plastique d'un bistrot, s'en coiffent et continuent à danser sous ce couvre-chef original. Chaque rafale de pluie est saluée par des cris de joie. Les tables dansantes éclosent partout dans la foule. Allegria.


Nous repassons par la place principale où une grande scène est montée. Spectacle de Frevo, danse acrobatique locale sur une musique un tantinet ringarde mais les brésiliens adorent le flonflon. De écrans géants nous montrent les pirouettes des danseurs en costume de clown avec ombrelle assortie. Vraiment très physique.


Ce sera notre plus belle soirée de "Carnavawl" comme on le prononce ici. Les gens s'amusent très sereinement pour la quasi totalité. On n'en aura malheureusement aucune photo, car on va au Carnaval sans papiers, sans montre et surtout pas avec sa caméra. Plusieurs d'entre-nous au Rallye l'avaient oublié et ont confié aux bons soins des pickpockets une série d'effets personnels et quelques beaux billets de 10 réals.


Recife nous aura bien plu et Olinda encore plus, mais il est déjà temps d'appareiller pour un tout autre programme : l'archipel de Fernando de Noronha.


Une quarantaine d'heures de traversée vers le nord-est nous amène de nuit au mouillage de l'île principale. Un peu frustrant cette arrivée de nuit car la forme de l'île est très belle et nous aurions aimé la découvrir petit à petit. Son Pico, doigt de pierre brute dressée vers le ciel est caractéristique de ce petit paradis sur terre.


Cet archipel est une réserve sous-marine et une partie de l'île est classée Parc naturel. Tout est mis en oeuvre pour préserver cet endroit. Le nombre de visiteurs est limité, la navigation dans la totalité de la réserve est strictement interdite. La taxe journalière "ambientale" de séjour déjà chère est multipliée en cas de séjour supérieur à une semaine et tout est très onéreux ici. Mais de jeunes gardes circulent partout pour conseiller les touristes sur les possibilités et les interdictions des lieux.


Les voitures de l'île sont des buggys sur châssis VW Coccinelle (toujours en production au Brésil). Pour se déplacer, on prend un taxi-buggy et on s'assoit sur la carrosserie arrière, pas très confortable, mais aéré et vue sans concurrence. Le Rallye organise une visite guidée du parc naturel, royaume des Flamboyants (arbre basse tige couvert de fleurs rouges à longues étamines).


Après avoir serpenté dans une végétation semi-tropicale, nous descendons dans les falaises au travers d'un gouffre vertical pour arriver sur la plage : long ruban de sable clair bordé de cocotiers accoudés à la falaise. Une certaine vue de l'Eden. Les vagues roulent violemment sur le sable et tous comme des enfants, nous plongeons dans ces grands rouleaux d'eau claire enfin retrouvée.


La grande de baie au NW de l'île est dénommée Bahia do Golfinhos. C'est un endroit rare au monde, seule une autre baie identique est connue. Les dauphins y viennent par milliers pour se reposer et se reproduire après des facéties amoureuses dont les ébats nous ravissent. Du haut de notre falaise, nous les voyons nager sur le dos à toute vitesse, puis replonger et sauter de deux mètres hors de l'eau avant de se laisser retomber sur le flanc. Cela gicle de partout dans la baie.


Jusqu'il y a 5 ans, il était autorisé de nager avec les dauphins, maintenant c'est fini : tant mieux pour eux. Ce sera certainement un des moments fort de notre périple.


Nous revenons au port par le sentier de la plage et par le fortin. Le "port" n'est qu'une jetée qui abrite les quelques bateaux "promène-couillons" locaux et l'eau est tellement propre que la plage accueille les nageurs de tous bords. En dinghy, nous croisons à deux reprises une tortue marine entre la jetée et Caramel.


Le Captain s'inscrit à une plongée guidée, c'est le principal attrait touristique de l'île. Tout est parfaitement organisé, embarquement à 08 heures du matin au port et deux plongées sur la matinée dans des espaces sous-marins réservés à ces promenades aquatiques. On ne peut rien toucher et il faut rester entre le guide de tête et celui qui ferme le groupe. Deux fois quarante cinq minutes de plaisir à observer les poissons (souvent de grande taille) aux couleurs criardes et lumineuses, le congre tapis sous sa roche, les deux raies planant nonchalamment, deux longs barracudas qu'on longe avec respect, les petits poissons plats zébrés argent et noir qui viennent voir ce qu'il y a derrière le masque. Ce banc de dauphins qui passe à toute allure devant notre route.


Les paysages sous-marins sont très beaux : grands à-pic de basalte sur tapis de sable clair, plateaux rocheux étagés envahis par des tapis coralliens rouge et jaune.


* * *


Jean-Claude nous arrive par avion après un bien long voyage, le changement de climat depuis l'Europe est un peu brutal et nous l'achevons le soir même en le conviant à la soirée barbecue sur la plage, arrosée de caïpirinhas assassines.


Catherine s'en retourne le lendemain en France pour trois semaines après un interminable voyage de 32 heures. A l'aéroport de Fernando, on retrouve des photos de la belle époque de l'Aéropostale, du temps où Jean Mermoz posait devant le Pico, le temps d'une escale vers l'Amérique du sud.


Fernando, tu nous as conquis, ton mouillage rouleur aura été la seule fausse note à cette escale délicieuse.


Nous levons l'ancre le 21 février pour 40 heures de super voile, vent de travers 15 à 20 noeuds et 1 à 2 noeuds de courant portant. Record de Caramel battu sur 24 heures : 201 milles. Jean-Claude est ravi, il est venu pour faire de la voile. On va trop vite et il faut ralentir l'allure la seconde nuit pour arriver au petit matin.


L'organisateur du rallye nous avait averti avant le départ, il faut bien contourner l'entrée du port de Fortaleza pour éviter une épave. Nous avions tous consciencieusement noté sa position, mais avons tout de même été bien surpris de voir un ferry entier échoué : c'est la première épave que nous voyons ... au radar.


Fortaleza est la capitale de l'état du Ceara, grand comme le quart de la France. C'est une ville balnéaire de 2 millions d'habitants, plutôt bon enfant et on s'y sent en sécurité. Sur le front de mer, c'est la compétition pour les plus belles tours de logements. Façades courbes, décrochements osés, terrasses immenses, jeu de couleurs et de céramique, si l'on aime l'architecture contemporaine, il faut voir les grands immeubles du Brésil. L'imagination est vive par ici.


C'est aussi la région des jangadas, ces radeaux de bois surmontés d'une voile latine qui vont pêcher en mer pour plusieurs jours au-delà de la ligne d'horizon. Un grand coup de chapeau à ces travailleurs de la mer qui vivent sur ces planches à 15 cm au-dessus de l'eau.


Nous sommes dans la marina d'un grand hôtel, construite il y a bien des années avec des grands cubes d'acier flottants et enchaînés entre-eux. La rouille s'en est mêlée, c'est mal entretenu, l'électricité est un danger mortel, mais nous y avons fait notre trou. C'est pas si mal d'être à 100 mètres de la piscine sous les cocotiers.


Priorité absolue pour Caramel : trouver le moyen de sortir le bateau de l'eau pour remplacer les joints d'étanchéité défectueux à la sortie de l'arbre d'hélice. Cinq jours de discussions, de tergiversations, de contre-propositions pour aboutir à un compromis méthode - date - prix qui ne sera pas du tout respecté, mais finalement ce sera plus vite fait, moins cher et plus sûr, donc ça va dans le bon sens. Epuisants ces brésiliens, il faut des nerfs d'acier pour ne pas distribuer quelques coups de pied aux fesses.


Puisque nous parlons de séant et que nous sommes au bord de la piscine, partageons les quelques notions du canon de beauté brésilien divulguées par Augustin lors de son passage.


La femme brésilienne est avant tout callipyge. Tous les regards sont tournés vers cette partie précise de son anatomie. La mode brésilienne a d'ailleurs à cet effet développé une large gamme de slip de bain dont la face arrière est très largement échancrée et concave, découvrant la presque totalité de ce qu'il est convenu d'appeler chez nous le postérieur (en vente chez Boum-Boum - qui signifie popotin en brésilien- à Ipanema et chez ses concurrents). Ceci afin de l'offrir au regard jaugeur de la gent masculine. Ce postérieur doit être supporté par des jambes franchement musclées et c'est la raison pour laquelle les belles marchent tous les matins d'un pas forcé le long des plages de Copacabana, d'Ipanema ou éventuellement d'ailleurs.


Le ventre est plat et le buste, plutôt menu afin de ne pas dévier les regards de l'essentiel, est bien écrasé par un soutien-gorge fait de triangles minuscules et si possible froncés sur la cordelette qui les relie.


Vous l'avez compris tout est dans la tête, il faut suggérer mais ne rien dévoiler, c'est vraiment interdit par la loi.


Les jus de fruits, les glaces et les années sont de bien mauvais compagnons, le canon de la brésilienne a une fâcheuse tendance à s'empâter de partout, mais courageusement elle continue à porter les mêmes maillots, au risque d'enfreindre la loi car sous certains angles, le bikini ... disparaît.


Pour les hommes c'est plus lâche, on les reconnaît bien là, il suffit d'être replet mais pas trop, juste pour afficher une bonne santé financière. Et comme ailleurs dans le monde, il faut passer le temps nécessaire au bord de la piscine à causer à son téléphone portable pour être certain d'avoir été bien vu. Se faire appeler plusieurs fois est mieux encore, car forcément la sonnerie appelle les regards. Le brésilien ne se presse pas trop pour répondre, il dégaine le portable de son slip de bain et d'un air détendu décroche. Le fin du fin est d'avoir un GSM miniature à rengainer et prétendre qu'il est inversement proportionnel au reste dans le slip…


Mais tout ceci nous écarte bien de la magnifique excursion en montagne que nous ont concoctés Jo et Joanna, couple de français établis de longue date au Brésil et qui mettent très gentiment leur temps libre à disposition des francophones de passage. Ce genre de démarche n'existe plus beaucoup.


Nous faisons donc une super balade dans la forêt jusqu'au point culminant du Ceara : 1150 m. L'air y est frais, voire froid pour les brésiliens : 20 degrés. La vue est splendide sur la forêt semi-tropicale et la rencontre avec deux mygales. Insolite !


Dans la vallée nous voyons des champs de cocotiers nains. Ce sont des hybrides développés au Brésil qui sont matures à 2 ans et qui portent de grosses grappes de noix de coco à moins d'un mètre du sol.


On ne s'arrête pas à Fortaleza sans une virée au "Pirata", seulement ouvert le lundi. Cette boîte de nuit en plein air ressemble à un petit village et plusieurs groupes s'y succèdent dans la nuit. Pas de disques, mais de la musique live folklorique (Foro) ou moderne brésilienne. Pas de musique anglo-saxonne, il a bien assez de musique made in Brazil. Etonnant, mais super soirée.


La semaine à Fortaleza s'est écoulée trop vite et c'est à regret que nous partons déjà en direction de Belém. Une dernière soirée en compagnie de Martine et Benoît, nos amis de Yaho (proto Catana) et de leurs enfants. Plein d'eau et super plein de gasoil (cad avec 100 litres supplémentaires en bidons), un rapide au revoir au Super Maramu Jimmy Bee qui descend sur Rio et nous sommes parés à larguer les amarres à 10 heures ce 04 mars.


Un dernier détail avant de l'oublier, nous avons vérifié si en hémisphère sud, le tourbillon de vidange de l'évier tourne bien dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, la réponse est oui. Ce soir, vérifiez le sens de rotation de l'eau au fond de votre lavabo en hémisphère nord et dites-nous si le monde tourne toujours dans le bon sens.


Bien à vous.


Fait au large de Sao Louis par une nuit de belle lune et de pétole - 05 mars 2002




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