Voyage 2001 - 2003

de Caramel

CHAPITRE 07 : TRANSAT SENEGAL - BRESIL


Un récit d'une navigation transatlantique se raconte difficilement, il se vit avec ses joies et ses humeurs quotidiennes. Nous avons préféré adopter un petit journal de bord pour ce chapitre.


Dimanche 02 décembre 2001

Nous quittons le mouillage de Djifer sur le Siné Saloum sous le soleil et avec une bonne brise portante qui nous pousse à plus de 7 noeuds, les deux focs génois tangonnés en ciseaux. Nous sommes toujours amarinés et le roulis du bateau ne nous gêne pas. Jean-Philippe semble également bien s'adapter au mouvement.


La chance est avec nous : nous pêchons rapidement un beau barracuda, suivi dans l'après-midi d'une dorade coryphène. La taille des poissons est parfaite pour trois. Le Captain lève les filets et ils sont mis au frigo.


La ligne est remise à l'eau. Ddddzzzzz, le bruit de crécelle du moulinet qui se déroule, encore une prise. Original, c'est un gros goéland qui s'est intéressé d'un peu près à notre poulpe en silicone jaune et qui s'est fiché le gros hameçon dans l'aile. Rien à faire, il faut ramener le malheureux volatile jusqu'au bateau pour le décrocher. C'est peine à voir que ce gros oiseau piailler entre de longues apnées. Nous finissons par le ramener derrière le bateau, toujours vivant. Jean-Philippe l'attrape par le cou tandis que le Captain maintien le bec fermé. Nous coupons l'hameçon avec une grosse pince coupante et relâchons la victime à l'eau. Catherine filme la scène. Après un moment, le goéland s'envole par bonds successifs. Bonne chance l'oiseau et soit plus prudent à l'avenir.


A 02 heures, la vitesse tombe à 3 noeuds. Moteur, radar et veille pour la traversée de la route des cargos.


Filets de barracuda, au four, purée de pommes de terre - Vino blanco El Grifo - Lanzarote - 1991.


Lundi 03 décembre 2001

Nous profitons de cette nuit au moteur pour faire tourner le désalinisateur et remplir le réservoir d'eau douce.


Remise sous voile pour la journée. cette fois c'est le spi qui prend l'air et nous mène à 7 noeuds. Pas de pêche aujourd'hui, il y a assez de poisson frais à bord.


La journée est rythmée par les vacations radio quotidiennes de 12 h et 21 h TU. Nous donnons nos positions au bateau organisateur et Caramel les transmet en France par e-mail pour mise à jour du site web du Rallye.


Les premiers partis commencent à rentrer dans la zone instable du pot au noir, cette bande de mer entre les alizés NE de l'hémisphère nord et les alizés SE de l'hémisphère sud. C'est le royaume des calmes et des grains violents qui condamnait autrefois les grands voiliers à de longues et pénibles périodes d'inertie. Nous pouvons mieux gérer ce passage grâce à nos moteurs.


Nous gardons le spi pour la nuit, mais le vent tombe.


Filets de daurade, gratin de courgettes à la tomate - Muscadet frais.


Mardi 04 décembre 2001

Mois de 3 noeuds, le Captain affale le spi avec Catherine à 03h00 et nous remettons le moteur. La lune décroissante éclaire la nuit. La visibilité est très bonne, mais la mer est déjà déserte. Les voiliers du Rallye sont bien éparpillés et les cargos restent sur leur route en arrière de nous.


Nous prenons chaque jour par e-mail, un fichier des vents (GRIB) chez Météo France. Il nous donne une carte des vents avec force et direction pour la zone dans laquelle nous naviguons. Pas de chance, c'est la pétole dans toute la région. Les alizés ne sont pas au rendez-vous et à la vacation de midi, tous les voiliers sont au moteur.


Le temps est bien couvert et l'air est de plus en plus lourd au fur et à mesure que nous descendons au sud. Les premiers partis sont dans la zone des grains et on aimerait aussi un peu de pluie pour rincer le bateau. Incroyable mais vrai, nous n'avons pas eu de vraie pluie depuis notre départ de La Rochelle le 01 juillet.


Catherine déploie ses talents de cuisinière par ce temps calme et nous mangeons avec délice les poissons pêchés et la viande surgelée de Ténériffe. Les bananes et les poivrons souffrent de la chaleur, il faudra en jeter. Les pommes, les oranges, les citrons et les concombres restent succulents.


Cette nuit, nous apercevons les premiers foyers orageux sur notre avant bâbord, mais ils sont à plus de 36 miles, hors de portée du radar.


La température de l'eau et de l'air sont les mêmes : 28 degrés.


Nous avons décidés de garder le même rythme des quarts de veille durant la traversée afin de rester plus facilement éveillé. Jean-Philippe de 21H00 à 01H30, Patrick de 01H30 à 05H00 et Catherine de 05H00 à 09H00. On verra ce que cela donne.


Filet de porc au citron, salade d'aubergine tomatée - Pic St. Loup rouge.


Mercredi 5 décembre 2001

Cette nuit notre avant bâbord est éclairé régulièrement par des éclairs diffus dans la masse nuageuse. Le vent est toujours faible et c'est à la voile appuyée par le moteur que nous avançons, marche avant très lente pour économiser notre précieux gasoil, le chemin est encore bien long et nous ignorons quand nous toucherons les vents.


A midi, ciel de plomb, plafond bas et colonne grise juste dessous, pas de doute, nous allons prendre notre premier gros grain. Branle-bas de combat (un peu trop tard d'ailleurs), à enrouler les deux génois tangonnés, à réduire la grand voile et surtout à fermer tous les capots. Le vent monte à 25 noeuds et des trombes d'eau s'abattent sur nous, écrasant la mer par ses millions d'impacts. L'océan fume et devient blanc. Quelle aubaine pour Caramel, le voilà enfin bien rincé de la pomme des mâts à la ligne de flottaison.


Sur le radar, nous voyons très distinctement trois autres grains en ligne sur tribord et bâbord. Une heure plus tard, le calme revient et le vent adonne un peu. Nous prenons un cap nettement plus au sud pour couper le pot au noir au plus court. Le vent malheureusement reste faible (8 noeuds).


Un dernier grain en soirée ne nous prendra plus en défaut, tous les capots sont fermés à temps. L'avantage d'être en pleine mer, c'est qu'il n'y a plus de moustiques, ni de poussière gris-rouge qui colle sur le bateau. Par contre le taux d'humidité ne baisse pas, l'aiguille est en permanence à fond d'échelle, au-delà des 100 %. Les draps deviennent moites et les serviettes de bain sèchent difficilement malgré le soleil souvent furtif. La transat vers les Antilles ou le Brésil se fait le plus souvent avec un ciel nuageux ou voilé, ce n'est plus le ciel bleu des Canaries. On ne s'en plaint pas trop.


A longueur de journées, des bancs de poissons volants s'ébrouent gracieusement au passage de l'étrave, virant sur l'extérieur avec de frénétiques battements d'ailes. Ces nuées argentées nous rappellent le vol vif des moineaux.


Tortillas des Dalton, patatas, oignons, jambon d'Ardennes - Bière blonde.


Jeudi 6 décembre 2001

Triste nuit, 5 noeuds de vent. Le moteur est appelé à nouveau à la rescousse pour avancer. Nous avons déjà consommé la moitié du réservoir et nous commençons à nous demander si le vent viendra. En fait rien n'est pire pour un équipage de voilier que de manquer de vent, c'est nerveusement fatiguant.


Ce midi, pour la St.Nicolas, une bande de dauphins sauteurs est venue distraire notre déjeuner, ils profitent des vagues pour jaillir hors de l'eau et faire une pirouette verticale. C'est à celui qui sautera le plus haut et la compétition semble de mise. C'est la première fois que nous les voyons faire de telles cabrioles en liberté dans l'océan.


En fin d'après-midi, nous apercevons trois bateaux sur l'horizon, du genre cargo, mais au fur et à mesure de notre approche, ces bâtiments semblent immobiles. Nous scrutons aux jumelles et voyons une chaîne sortir de leurs étraves ! Trois bateaux à l'ancre, presque au milieu de l'Atlantique. Impossible, mais nous examinons la carte et découvrons un haut fond de quelques milles de long à 06N 23 W, sondant 234 mètres. Que font-ils là ? Mystère et boules de gomme.


Belle soirée d'aquarelle pour un soleil orange fondant sur nuages gris blanc cumulo-nimbusants.


RFI (Radio France International) nous apprend l'assassinat de Sir Peter Blake, néo-zélandais célèbre dans le monde marin pour ses exploits nautiques sans précédents (America's Cup, Trophée Jules Verne, etc…) et héritier de l'Esprit Cousteau. Sur son grand voilier d'expédition (Sea Master ex Antarctica) ancré à Macapa sur l'embouchure de l'Amazone, 9 pirates sont montés à bord, la fin est tragique. Nous sommes très attristés par la mort de ce grand marin et inquiets car nous aussi, nous remontrons l'Amazone et passerons par Macapa.


Salade froide de pâtes, olives noires, gruyère et jambon blanc. Rosé Don Simon.


Vendredi 7 décembre 2001

Eole est revenu avec de la brise dans les joues. Ce matin, vers 00 heures, nous pouvons faire route sous voiles à une vitesse raisonnable. Malheureusement, nous sommes au près, c'est à dire l'allure où les voiles sont serrées pour remonter le vent. Le bateau gîte. Nous nous installons dans un monde penché.


Quelques chapelets de grains nous rincent encore copieusement, mais nous sentons que l'atmosphère change, nous devrions sortir bientôt du pot au noir.


Il fait clair de plus en plus tard et nous retardons nos montres d'une heure pour nous caler sur le fuseau horaire local.


Routine à bord et lecture. Quelques réglages de voiles pour la nuit et nous glissons dans le rythme des quarts.


La veille se passe dans le cockpit, on peut bouquiner, écrire et jeter un coup d'oeil de temps à autre sur le radar. Nous avons croisé trois cargos la première nuit, puis plus rien. Même plus de contact VHF avec les copains du Rallye, nous sommes trop éparpillés. Seules les vacations BLU permettent de connaître nos positions.


Filets de cabillaud au citron, purée de pommes de terre. Clafoutis aux cerises du Nord - Vino blanco El Grifo - Lanzarote - 1991.


Samedi 8 décembre 2001

Le vent est bien là : 15 noeuds établis mais malheureusement il vient du SSE, toujours au près. Sous voilure légèrement réduite, la coque passe bien dans la vague, sans taper. Caramel va nous étonner par son aptitude sous cette allure qui n'est pas le point fort des bateaux de voyage.


La vie à bord est penchée 24h/24h. Pas toujours facile d'accomplir les tâches anodines de la vie courante avec plus de 10 degrés de gîte. Tous les gestes sont lents et aléatoires car un brusque rappel en faussera l'objectif. Le manque d'exercice physique commence aussi à se faire sentir et nous sommes plus raides, ce qui n'arrange rien.


Nous entrons dans l'après-midi dans le courant marin guyanais qui favorise notre avancée vers l'ouest.


Tarte à la tomate et au thon. Un délice - Bordeaux rouge Clément.


Dimanche 9 décembre 2001

Le quart de Jean-Philippe est constellé d'étoiles filantes. La lune déjà largement gibbeuse se lève aux petites heures du matin. Le réverbère céleste va s'éteindre dans quelques jours. A la même heure chaque nuit, le Captain observe le baudrier d'Orion au zénith du grand mât. Dans cette obscurité propice à l'observation des étoiles, nous sommes surpris de nombre incalculable de lampions cosmiques. La casserole de la Grande Ourse est à l'envers, bien à plat au-dessus de l'horizon chaque fin de nuit. L'étoile Polaire est tombée définitivement sous l'eau. Merci Gens d'en haut de bien vouloir en prendre soin jusqu'à notre retour. Il faudra essayer maintenant de trouver la croix du sud, balise des Gens d'en bas.


Voilà déjà une semaine que nous avons quitté l'Afrique. Le temps s'écoule lentement, un peu trop lentement d'ailleurs, vu l'allure de voile que nous devons adopter (au près). Cette traversée n'a finalement rien de commun avec la traversée sur les Antilles, où les bateaux sont portés par le vent des alizés NE de l'hémisphère nord. Ici, le Brésil se gagne et nous n'avons pas fini de faire du près.


Tous les deux jours nous téléchargeons des fichiers de vent chez Météo-France. Ils nous annonce la proximité des vents d'est à SE, mais notre girouette ne veut pas mettre d'est dans son sud.


Taratataaaa, 12h55 GMT, un moment de silence chargé d'émotion, nous appelons à la barre le sieur Equateur. Délit : Mettre un bateau et son équipage cul par dessus tête. Charges à l'appui : le GPS ne diminue plus ses degrés nord, mais engrange des degrés sud. L'équipage sent à chaque minute le sang lui monter à la tête.. Dédommagement : offrir aux victimes une bouteille de champagne bien fraîche, des toasts et une conserve de foie gras. Ainsi fut jugé le crime et la sentence aussitôt exécutée.


Filet de boeuf, gratin d'aubergines - Ducru Maucaillou 96. Rien que du beau monde ce soir.


Lundi 10 décembre 2001

Aujourd'hui, on en a marre du près serré et de notre maison qui bouge sans arrêt. Tout devient humide à l'intérieur, car les zembruns passent sur le pont et on ne peut pas ouvrir les capots. 32 degrés avec 100 % humidité sans aération c'est un peu hard, d'autant qu'un large échantillon incongru d'effluves de basse fosse remonte du puisard de la cale moteur vers les salles d'eau, suite à un petit défaut de conception du bateau lorsque le vent vient de bâbord.


Cette nuit, la mer se mue en feu d'artifice. Le zooplancton s'éclate en étincelles phosphorescentes au passage de l'étrave et dessine dans l'obscurité un lumineux tapis ondulant. Plus prosaïquement, c'est aussi très étonnant dans les tinettes …


Omelette au fromage, jambon Serrano, camembert décongelé et pain fait bateau - Gros rouge inconnu.


Mardi 11 décembre 2001

Un cargo esseulé vers 03h00 ce matin passe au large de notre tribord. Le vent adonne un peu (s'oriente un peu plus vers l'arrière). Nous naviguons maintenant au vent de travers avec une bonne brise d'alizé SE. En collaboration avec le courant, Caramel établit sa distance record en 24 heures : 187 milles.


La mer est bleu profond et très transparente, les rayons du soleil y plongent profondément. Une belle houlette nous balance à chaque passage.


Un troupeau d'une douzaine de globicéphales vient nous rendre visite. Ces gros dauphins noirs à tête arrondie et sans bec se meuvent rapidement mais à gestes comptés. Par paires, ils sortent sur la face avant des vagues rattrapantes puis plongent sous le bateau avant de refaire le même tour. Nous nous régalons de ce spectacle rare, bien moins nombreux que les petits dauphins, ceux-ci sont généralement peureux et ne jouent pas avec les voiliers. La caméra fixe quelques belles images.


Encore 600 milles pour l'atterrissage, Fred Astair nous fredonne un "Oh my Carioca" de circonstance, il nous semble déjà percevoir des senteurs terrestres.


Salade de thon et oeufs durs sur un lit de carottes fraîches râpées - Bière blonde.


Mercredi 12 décembre 2001

Nouveau record sur 24 heures : 192 milles. Le tiercé semble déjà se dessiner pour l'arrivée. Tout le groupe de 6 bateaux (dont Super Caramel) parti 4 jours après les premiers devrait arriver … en tête.


Le barographe ondule depuis le départ de la même façon : une remontée à midi et à minuit avec un creux vers 18 heures. La météo brésilienne est immuable depuis trois jours : vent d'est-sud-est 10 à 15 noeuds. Orages épars.


La mer se calme un peu et comme le vent vient plus de l'arrière, nous hissons le spi d'artimon : Caramel file 8 noeuds.


Depuis ce matin, nous captons les premières stations radios brésiliennes en AM. C'est pas fameux, peu de musique, rien que blablabla. RTBF 1 en ondes courtes nous apprend les élucubrations du gouvernement wallon concernant une compagnie aérienne régionale au sud du pays ?! Ben Laden toujours introuvable mais encore certainement dans les cavernes talibanes. On se sent un peu hors du coup ici, mais c'est pas mal.


Nous pronostiquons une arrivée pour samedi dans la matinée.


La pâte (liquide) des crêpes a giclé dans une embardée, sus aux serpillières.

Alors, encornets meunière, sauce curry et garniture de riz. Vino Tinto.


Jeudi 13 décembre 2001

A 01h30, au changement de quart entre Jean-Philippe et le Captain, nous apercevons à deux reprises la chute de débris importants dans l'atmosphère (partie de fusée ?). C'est très différent du trait lumineux furtif d'une poussière, ici c'est un long panache de feu orange avec une queue bleue. Très brillant, cet objet se consume en entrant dans l'atmosphère durant 3 à 4 longues secondes. Quel spectacle !


Le vent retombe aujourd'hui et la distance parcourue tombe à 155 milles. Nous sommes poursuivis par un courant contraire qui nous freine, alors que normalement nous devrions déjà connaître le flot portant. La vague reste courte et l'état de la mer est très proche à celui que l'on connaît en Méditerranée : courte et hachée. Vraiment pas confortable et surprenant sur ce grand océan.


Nous dépassons ce jour les bateaux les plus lents partis 3 jours avant nous. A la vacation radio du soir, les bateaux les plus avancés de notre groupe sont à moins de 100 milles du but.


Coeur de filet de cabillaud au gros sel rétais, chicons braisés. Malvoisie blanc Vega de Yugo 98.


Vendredi 14 décembre 2001

Cette nuit nous passons au large de Recife. Nous sommes trop loin pour voir la terre (60 milles) mais aucun doute la ville est bien sous ce globe laiteux à l'horizon tribord.


Nous continuons notre descente de la côte brésilienne, sous une véritable pluie d'étoiles filantes. Toute la nuit, dans le secteur sud-est, c'est un feu d'artifice.


Le vent forci un peu vers 03h00, nous obligeant à descendre le spi d'artimon. 9 à 10 noeuds sur le fond, les mouvements du bateau commencent à devenir très fermes. La manœuvre est rapidement exécutée grâce à la chaussette de spi qui coulisse de haut en bas, étouffant la voile. Agréable à cette heure de faire la manœuvre en maillot. C'est notre tenue réglementaire depuis le départ. Un petit tee shirt est supporté dans l'immobilité du quart de nuit. La journée nous restons protégés du soleil par la capote et le taud au dessus du cockpit. Sous ces latitudes, le soleil est fort.


Nous avons trouvé un bon poste de musique en FM. Pas facile, les brésiliens adorent parler sur les ondes. Ce sont les rois des sitcoms.


Toujours cette mer désagréable et le vent qui faiblit nous oblige à appuyer notre allure avec le moteur à 1500 tours, pour diminuer cet horripilant roulis pendulaire qui balance les voiles à contre dans la houle. Profitons en pour refaire le plein d'eau douce avant d'arriver.


Vacation radio de midi, le premier bateau est arrivé, un second devrait accoster cet après-midi. Nous sentons dans la voix, une certaine fatigue des équipages qui sont déjà en mer depuis plus de 15 jours et dont les bateaux plus petits bougent beaucoup.


Dans nos discussions de cockpit, nous nous étonnons du déroulement météorologique de cette transat. On s'attendait à de belles mers lisses et ondoyantes sous la grande houle atlantique et nos bateaux sous voiles en ciseaux qui descendraient le flux doux et régulier de l'alizé. On a été mal renseigné, c'est vrai pour la transat Cap Vert - Antilles. Nous aurons bientôt fait 3 jours voile-moteur suivi de 7 jours de près et achevé le voyage par 3 jours de grand largue dans une mer chaotique. Heureusement depuis ce matin un courant de 1 noeud nous pousse vers Bahia.


Les provisions de légumes et fruits frais sont pratiquement terminées. Bien calculé Catherine.


Gougères de gruyère, boeuf aux carottes fondantes. Rioja Tinto Bach.

Bouteille de Champagne au frais pour demain.


Samedi 15 décembre 2001

Depuis le début de la nuit, nous longeons la côte. Les lumières des villes s'égrènent comme un chapelet lumineux. Dernière nuit en mer. Nous croisons quelques pêcheurs et deux cargos. Salvador de Bahia se découvre très pudiquement à la pointe de l'aube. Dans la fine brume du matin, nous apercevons la grande ville escarpée, sous les frondaisons du bord de mer. Beau spectacle et moment magique de l'arrivée, nous embouquons la passe nord de l'accès de la baie. Silencieusement nous remontons jusqu'au port.


"Bonjour Caramel", Philippe nous salue avec la VHF. Il est encore en pyjama, il vient de tirer les rideaux et de sa fenêtre, il nous aperçoit dans la baie.


"Badaboum bang bang", accueil pétaradant du Brésil. Tous les équipages déjà arrivés sont sur le quai pour prendre nos amarres. Dominique et Daisy, du Cerclo Nautico de Bahia nous reçoivent sur le ponton en costume local, caïpirinhias et fruits frais. Poignées de mains chaleureuses. C'est bon d'être arrivé. Contents de voir les copains. Ravis d'être à Bahia.


Epilogue

Vous l'avez bien senti, cette traversée est toute différente de la transat classique par les alizés nord. Bien moins reposante, elle nous a surtout surpris par la durée de près serré et surtout par la mer courte et hachée que nous avons eue.


Une bonne semaine nous aurait suffi, mais le Brésil est à 2.100 miles de Dakar. Nous les avons croqués en 12 jours et 20 heures à la moyenne de 6,82 noeuds. Il n'y a pas d'arrêt en chemin. Nous sommes très heureux d'être au Brésil, point le plus sud de notre périple (08° sud). Le charme latino de Bahia nous a emporté immédiatement dans son tempo. La transat est déjà une vieille histoire. Nous sommes sur le nouveau monde et cela à bien l'air d'être un autre monde. Les voyages forment la jeunesse. Nous nous sentons rajeunir …


C'est Noël dans dix jours et la vieille ville est entièrement décorée. Les églises baroques rivalisent en lumières et ornements. Un énorme sapin stylisé trône sur la place principale, des crèches en tous genres siègent à chaque coin de rue. Des estrades sont installées à gauche et à droite dans la ville. Tous les soirs des groupes musicaux se produisent pour de courts concerts qui s'enchaînent.


Le thème commun : les couleurs du Père Noël : tissu rouge et bouclettes blanches. Tout est permis à partir de là et le délire carnavalesque commence. Nous nous arrêtons devant un concert de 15 chanteurs musiciens. Chacun accoutré de son bermuda et de sa cape de Père Noël exotique basané. Les chants religieux et la ferveur catholique virent immanquablement à la samba. C'est deux mille personnes qui commencent à bouger instinctivement en rythme. Impossible de résister …


C'est Noël dans dix jours, ici c'est le début de l'été.


Générique de fin

Toutes les recettes sont de Catherine, sur base de nos provisions fraîches de Dakar et surgelées de Ténérife. Le pain et les produits de la pêche sont du Capitaine. La chorégraphie de la vaisselle a été réalisée par Jean-Philippe. L'hébergement et le transport ont été pris en charge par Caramel Express.


***


Catherine & Patrick à bord de Caramel - Salvador de Bahia par 30°C sous le ventilateur de la table à carte - 17 décembre 2001.




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