Cyclones

Mers et vents

Voici le récit d'un couple d'amis qui a vécu le Cyclone Dean (mi août 2007) à la Martinique. Outre la violence des éléments, on apprend qu'un bateau peut subir un très puissant cyclone sans trop de dégâts.


Un grand merci à Jackie pour avoir accepté de publier son récit sur le site de Caramel. 

Cyclone Dean, image satellite GOES du 17/08/2007 à 12:00 GMT.

Cyclone Dean, champs des vents le 17/08/2007 à 13:30 GMT.

Cyclone Dean photographié par la navette Endeavour.

Trajectoire de Dean dans la Mer des Caraïbes.

Ce soir on "Dean" chez nous !


Jeudi 16 août. Cette "tempête tropicale" n'était pas vraiment pour nous. Ce devait être plutôt pour le nord de la Martinique et La Dominique.


Il y avait déjà eu plusieurs alertes, mais la Martinique avait été épargnée à chaque fois. Vingt-huit ans sans cyclone. Les prières des croyants y seraient pour quelque chose ? Pour ma part, j'en doute fort !


Mais cette fois-ci, c'est bien pour nous. Dean s'approche et fonce sur la Marinique : Ouragan classe 2 - Alerte Rouge !


On passe l'après-midi à arrimer le bateau, à ranger le génois, la grand-voile, et tutti quanti. Corps-mort, ancres, amarres, tout a été renforcé et vérifié. Le bateau est prêt pour affronter les éléments déchaînés. Enfin, c'est ce qu'on pense …


Nous décidons de descendre à terre. De toute façon, les douanes et affaires maritimes interdisent de rester a bord. On se réfugie chez de bons copains qui ont une maison à 500 mètres de la marina. On ferme les volets, il est vingt heures. Tout est calme.


Vingt-deux heures, nous allons nous coucher malgré l'angoisse qui nous tenaille.


Minuit, le vent souffle fort et ça monte crescendo d'heure en heure


A trois heures du matin, la lessiveuse s'est mise en route. On a l'impression qu'un Boeing 747 décolle à côté de la maison. Les volets frémissent. Sous la pression de l'air, la trappe du grenier se soulève par moment. Le bruit du vent et des trombes d'eau qui s'abattent sur la maison est continu et en stéréo !


A cinq heures, le baromètre fait une chute abyssale : 5 hPa en 30 min. En tout, le baromètre a chuté de 30 hPa en 5 heures et il les a repris de la même façon.


On entend d'autres bruits autour de la maison, mais on ne peut pas savoir ce que c'est. On reste à l'abri.


Plus d'électricité, bien sûr. Alors, commence l'attente autour de la bougie avec une inquiétude lancinante : le toit tiendra-t-il ? Les tôles au-dessus de nous font un bruit infernal !


Par miracle, le portable fonctionne encore. J'envoie un dernier SMS pour rassurer. Ça me rassure aussi un peu …


À six heures du matin, le jour semble se lever et nous sommes au plus fort de l'ouragan ! 180 km/h ? 200 km/h ? On essaie d'entrebâiller la porte pour voir ce qui se passe dehors . La maison et la terrasse sont crépies de feuilles déchiquetées.


Les branches qui restent sur le manguier d'en face sont pliées à 90°. La forêt à droite de la maison est dévastée. Tout est gris. Le jardin est fouetté par de violentes rafales de vent. Après celles venant du nord, nous avons droit aux déchaînements du secteur sud. Nous voilà encore plus exposés !


La radio est le seul lien avec le monde extérieur. On l'écoute religieusement. Certains marins sont assez fous pour rester à bord de leur bateau et essaient de le retenir avec les moteurs à fond contre les vagues .


Mais que devient notre cher voilier tout seul contre cette furie ? Pas moyen de voir quelque chose, c'est tout juste si l'on aperçoit la maison d'en face ! A chaque rafale, on frémit. Il va bien falloir que ça se calme un peu !


La maison a bien tenu le coup mais le jardin est dévasté. Le citronnier est déraciné (adieu ti-punch), le cerisier pays est broyé par une main géante. Les arbres de la forêt sont tordus, décapités. Beaucoup de choses se sont envolées : planches, tonneaux, stores… Une immense broyeuse lessiveuse est passée au-dessus de nos têtes.


Nous sommes saufs et fatigués mais contents de sortir de ce cauchemar ! L'alerte violette n'est toujours pas levée .


Nous tentons avec succès de descendre au port pour voir ce qu'il en est. Notre bateau est toujours là, mais le catamaran de nos hôtes à disparu !


Les hommes mettent une annexe à l'eau pour partir à la recherche du catamaran et pour vérifier l'état de notre voilier. Trois heures plus tard, les voici de retour.


C'est la Bérézina ! Partout dans la baie, les bateaux sont échoués, enchevêtrés , d'autres coulés. Le cata de nos amis s'est presque gentiment échoué sur la pointe caillou dans la mangrove, à cinq cents mètres de son amarrage. Il a tout entraîné avec lui : un corps-mort de 500 kg avec 30 m de chaîne et toutes ses ancres (50 kg).


Après avoir cassé ses amarres, notre bateau a traversé le banc de vase en dévidant toute sa chaîne, il ne tient plus que par l'étalingure en textile qui le lie la chaîne ! Quel soulagement de le voir flotter librement.


Avec beaucoup de détermination et grâce à la solidarité des "voileux" du Marin, nos amis mettent deux jours pour réunir tout le matériel nécessaire (groupe électrogène, compresseur, ballon de sustentation de 8 tonnes) pour déséchouer le catamaran posé sur sa coque tribord


Enfin, le voici à nouveau flottant dans la baie, avec seulement un quillon abîmé et les safrans tordus. Il s'en sort bien par rapport à tous ces bateaux éventrés ou couchés sur les cayes !


À part quelques éraflures, un davier tordu et le bas de l'enrouleur abîmé, notre fier voilier a bien surmonté son premier cyclone. Le dernier ?


Ce soir on dîne à Nantes, mais tous les deux sans inviter Dean …


Jackie et Willy - 17 août 2007 

Dernière mise à jour de l’article : septembre 2007

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